Depuis l'âge de 27 ans, le dessin fait partie de la vie de Paule Baillargeon, une activité parallèle à ses créations sur scène, à l'écran ou derrière la caméra, une expression intime et de combat. À l'occasion de la sortie de son film Trente tableaux, l'Office national du film organise une exposition itinérante de ses dessins qui débute au bistro culturel du parc La Fontaine.

Jusqu'à cette année, Paule Baillargeon n'avait pratiquement jamais dévoilé un pan de sa vie artistique: sa passion pour le dessin. Une passion brimée par sa mère, qui estimait qu'elle n'avait aucun talent. Mais à 27 ans, Paule Baillargeon s'est acheté un carnet et s'est mise à dessiner.

Quel a été le déclic? «Trop de souffrance en moi, répond-elle en entrevue. Tu ne peux pas faire taire un désir, sinon ça meurt en toi.»

Le printemps dernier, elle a ouvert son atelier et y a montré les centaines de dessins qu'elle avait créés depuis 40 ans. À sa demande, la cinéaste Jennifer Alleyn l'a aidée à choisir les meilleurs, qui dormaient dans des boîtes. «Elle l'a fait avec une grande humilité, sachant qu'elle aborde le dessin en tant qu'autodidacte, avec beaucoup de liberté», dit Jennifer Alleyn, qui se sent très proche de Paule Baillargeon.

De facture souvent enfantine, ses oeuvres au crayon ou à l'acrylique expriment ses préoccupations, notamment sa lutte pour les droits de la femme. Ses femmes-chaises sur lesquelles on s'assoit ou que l'on écrase en témoignent. Elle dessine beaucoup de corps, des corps aux poings fermés, la stature d'une femme qui se bat et veut gagner.

«Ses dessins sont souvent sympathiques, mais, des fois, on rit jaune, dit Jennifer Alleyn. Son dessin est un geste, un cri. J'ai lu quelque part que l'art est l'érotisme de l'esprit et ça évoque tout à fait la sensualité qui se dégage de ce qu'elle fait.»

D'autres dessins, plus grands, sont d'inspiration africaine avec des couleurs ocrées ou colorées. Elle dessine sur le papier, le carton ou des supports originaux comme un carnet de transactions bancaires! «Mes dessins évoquent la maternité et des sujets plus heavy, mais, malgré ça, c'est gai, coloré et il y a une sorte de bonheur de les faire», dit Pauline Baillargeon.

Printemps érable

Une «rivière» de dessins, de photos, d'extraits de scénarios et de carnets intimes a été installée dans le bistro culturel, une succession de marqueurs artistiques et littéraires de sa vie. On y trouve des notes personnelles comme celle-ci, sur sa réaction à un projet refusé: «La SODEC a dit non, j'ai passé l'après-midi à faire le ménage dans mon bureau, je suis en colère. C'est bien, la colère. La colère n'est pas la dépression. De toute manière, nous vaincrons.»

Ses dessins, qui ont été des exutoires, l'ont-ils conduite à l'image? «Oh oui, c'est sûr! répond-elle spontanément. Aujourd'hui, je me rends compte que j'ai toujours été excessivement visuelle. Mais comme femme, à l'époque, je ne pouvais être qu'actrice. Je ne suis pas amère, mais cela aurait été bien si j'avais pu me développer plus...»

Paule Baillargeon n'avait jamais encadré ses dessins. Elle les a vus accrochés pour la première fois à l'occasion de la préparation du vernissage qui aura lieu mercredi, à 19 h. Tous ses dessins sauf celui de son chien Watam sont à vendre. Même sa dernière oeuvre, Printemps érable, avec un grand carré rouge et un chien enragé, une peinture qui représente pour cette femme toujours en lutte un grand bonheur et un espoir de changement.

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De l'écran au crayon, l'univers dessiné de Paule Baillargeon, à l'Espace La Fontaine, jusqu'au 7 septembre.