Des oeuvres des photographes montréalais Gabor Szilasi et Michel Campeau ornent désormais les murs de deux couloirs du pavillon Deschamps de l'hôpital Notre-Dame grâce à un don des deux artistes au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).

Le don s'est concrétisé grâce à la Fondation de l'art pour la guérison, qui se consacre à l'inclusion d'oeuvres d'art en milieu hospitalier. Le CHUM a déjà reçu quelque 140 oeuvres dans ce cadre.

Le directeur général du CHUM, Christian Paire, a mis sur pied un programme d'intégration de l'art dans les hôpitaux depuis son arrivée, en 2009. «L'art doit aller à la rencontre des gens, dit-il. Il ne doit pas se trouver uniquement dans les musées et les galeries. Pour orner les murs de nos couloirs, on voulait des oeuvres pas trop invasives et par lesquelles les patients pourraient se sentir interpellés.»

Pour cette exposition permanente, Gabor Szilasi (prononcer silachi) et Michel Campeau ont choisi d'offrir des images qui célèbrent en quelque sorte le passé récent de Montréal.

Gabor Szilasi a offert 27 prises de vue tirées de sa collection documentaire sur la métropole. De son côté, Michel Campeau a donné (avec le concours de la galerie Simon Blais) cinq photos grand format de sa première série consacrée aux chambres noires des photographes.

Les photos de Gabor Szilasi permettent de mesurer à quel point Montréal a changé en seulement quelques décennies même si les lieux sont encore très reconnaissables. L'édifice triangulaire, qui abritait l'ancien magasin Baron Sports, au coin des rues Notre-Dame Ouest, Saint-Maurice et de l'Inspecteur, en est un exemple. De même, la photo prise à l'angle de la rue Van Horne et du boulevard Saint-Laurent ou encore celle de la charcuterie hongroise Fairmount, sur la Main, avec les mêmes personnes au comptoir, soit Joseph Prepszl et George Tenta, depuis des décennies!

Les patients du service de stomatologie pourront également contempler une série de photos aux teintes sépia des enseignes lumineuses qui ornaient les magasins de Montréal ou certaines maisons à l'occasion de Noël. «Je les ai photographiées à la brunante, entre chien et loup, ce qui donne cette couleur dorée», dit Gabor Szilasi.

«Je suis très content d'être exposé ici avec Gabor, a dit Michel Campeau à La Presse. J'ai longtemps travaillé dans sa propre chambre noire! Le plus étrange, c'est qu'un infirmier m'a conté que, derrière le mur où sont accrochées mes photographies, il y a déjà eu une chambre noire.»

Prises entre 2005 et 2008, les cinq images de Michel Campeau montrent des détails de chambres noires de Montréal et d'Ottawa. Elles datent de moins de sept ans, mais ce sont déjà des oeuvres documentaires sur une technique pratiquement désuète depuis l'arrivée de la photo numérique.

Michel Campeau a choisi de fixer des éléments incontournables de ces pièces sombres où les photographes passaient tant de temps, comme la lumière, mais il a pris aussi des éléments de ces lieux mythiques, notamment un jeu de cartes de tarot.

«C'est le jeu de tarot de la conjointe du photographe Yann Giguère, dit Michel Campeau. J'ai pris la photo du jeu posé sur la prise électrique. La carte de tarot avec une femme penchée près de l'eau, c'est un peu ma muse, et l'eau rappelle les bains de la chambre noire. C'est aussi le lien aux femmes et à ma mère, notamment, à cause de l'élastique qui entoure le jeu de tarot...»

Ce sont toutes des photographies sur le temps qui passe dans un endroit où il ne passe pas assez vite. «C'est aussi un hommage au présent, dit Christian Paire. Il y a le présent du présent, le présent du passé, qui est la mémoire, et le présent du futur, qui est l'imagination.»