Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a beau avoir 150 ans, son histoire est parsemée de preuves d'amour d'amateurs d'art à son égard. La dernière en date établit un record au Québec: Michal et Renata Hornstein, grands collectionneurs montréalais, ont décidé de donner au musée leur collection de maîtres anciens, soit quelque 80 oeuvres d'une valeur dépassant 75 millions.

Ce don privé, qui entraîne un nouvel agrandissement du musée avec la construction d'un cinquième pavillon d'ici 2017, est le plus important à avoir été fait au Québec et le second en importance dans l'histoire des beaux-arts au Canada.

Parmi les oeuvres qui seront données, essentiellement des peintures, figurent plusieurs chefs-d'oeuvre de l'art néerlandais du XVIIe siècle, par exemple Le retour de l'enfant prodigue, de Jan Steen, ou Vieux savant dans son cabinet, de Jan Lievens.

«Tous les styles du Siècle d'or néerlandais sont représentés de même que tous ses thèmes, a affirmé Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du musée, à La Presse. Il y a des natures mortes de Pieter Claesz, des paysages de Ruisdael et de van Goyen. La collection est très vaste, car il y a aussi des peintures du début de la Renaissance jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. C'est une collection très connue dans le monde.»

Par amour pour Montréal

La valeur estimée de la collection ne mesure pas totalement l'ampleur du don. En effet, il serait impossible aujourd'hui de rassembler une telle variété de toiles de maîtres anciens. La collection était d'ailleurs très convoitée à l'étranger. Michal et Renata Hornstein auraient pu la céder à un musée de Washington (leurs enfants vivent aux États-Unis) ou au Musée des beaux-arts du Canada auquel M. Hornstein est aussi très attaché. Ce don est un témoignage de son engagement envers un musée pour lequel il se dévoue depuis 1970, en tant que membre du conseil d'administration et comme mécène. Et un témoignage de son affection pour Montréal.

Quand Michal Hornstein a évoqué la nouvelle au C.A. du musée lundi, des membres du conseil se sont mis à pleurer, dit Mme Bondil. Céder à un organisme culturel une partie de ce qu'on a de plus cher est un acte fort. «Cette collection, c'est leur vie, dit Mme Bondil. C'est un peu d'eux qu'ils vont déposer ailleurs. Ce don mérite le plus grand respect. Cela peut paraître très rationnel, mais c'est très émotif.»

Arrivé à Montréal en 1951 à l'âge de 31 ans, Michal Hornstein est un rescapé de l'Holocauste. Très discret dans la vie, ce citoyen d'origine polonaise doit sa survie à une part de chance mais aussi à sa grande volonté de vivre. Il a fait fortune à Montréal après avoir créé et fait fructifier une entreprise immobilière. «La métropole est un peu dans leur ADN», dit Nathalie Bondil.

M. et Mme Hornstein ont rassemblé cette collection depuis une quarantaine d'années. Ils ont déjà donné des oeuvres au MBAM, notamment 400 dessins du Suisse Ferdinand Hodler et une nature morte de Jacques Linard datant de 1640. «Leurs dons passés représentent près de 30 millions de dollars», dit Mme Bondil.

18,5 millions de Québec

Le bâtiment du musée construit rue Sherbrooke en 1912, dans lequel le musée présente des expositions temporaires, porte le nom de Michal et Renata Hornstein. Mais pour accueillir leur collection, le musée construira un pavillon d'art international de quatre ou cinq étages, rue Bishop, entre la rue Sherbrooke et le boulevard Maisonneuve. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a annoncé mardi l'octroi de 18,5 millions pour cette construction qui se fera dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal.

Après l'inauguration l'automne dernier du pavillon d'art canadien et québécois Claire et Marc Bourgie, l'arrivée de ce nouveau pavillon entraînera un redéploiement des collections, ce qui profitera notamment aux arts décoratifs du musée (quelque 15 000 objets) et aux collections des cultures du monde.

«Ce don nous permet de devenir un musée doté d'une grande collection d'art ancien en Amérique du Nord, ce qui nous amène un peu plus loin comme institution muséale et nous apporte une grande force sur le plan des échanges et des prêts entre musées», se réjouit Mme Bondil.