Sont-ce des peintures ou des sculptures? Des masques, des totems ou des symboles religieux? Des signes empruntés à l'écriture égyptienne ou à un code secret de scout? Des figures géométriques ou des motifs d'architecture? Isabelle Leduc reste calme devant l'avalanche de questions. C'est tout ça et plus encore.

Depuis 1984, Isabelle Leduc, peintre-sculpteure, reste fidèle aux matériaux qu'elle a choisi de privilégier: le papier fait main, les baguettes de bois et la peinture. À la Galerie d'Outremont, elle présente un résumé de sa carrière, sous forme de morceaux choisis regroupés en îlots, de 1984 à 2011. Chez Graff, la galerie privée qui la représente, elle expose ses pièces les plus récentes. C'est là, chez Graff, que nous avons rencontré la fille de Fernand Leduc tombée dans la peinture à sa naissance comme Obélix dans la potion magique.

Les questions la font sourire. «En fait, je suis plus intéressée par la peinture que j'applique sur le papier - oui, je fais moi-même mon papier - que par la forme», dit-elle. Les formes des objets accrochés aux murs de Graff ou reposant par terre lui viennent d'impressions gravées dans sa mémoire. Formes empruntées à des tableaux, vues dans des livres, aperçues dans la nature... Elle fabrique ces formes tridimensionnelles avec du contreplaqué fin, les habille ensuite de papier, puis applique des couches de peinture de couleurs différentes jusqu'à ce qu'elle obtienne le résultat désiré.

La Voie lactée, par exemple, est composée d'une série de petites boîtes bleu nuit évoquant des étoiles qui se suivent sur le mur comme dans le ciel pour donner naissance, à la fin, à un carré rouge. Chaque boîte laisse percer des couleurs sous la couche dominante du bleu. «J'aime bien jouer avec l'espace, dit-elle. Mes objets peuvent être présentés de différentes façons, en tenant compte des lieux.»

En face de La Voie lactée, un rectangle est serré à la taille par un cordage. «Ça peut représenter une botte de foin, dit-elle. Vous savez, l'objet se définit parfois par la couleur.» Dans le cas de cette pièce, la couleur dominante est le jaune paille.

On peut aussi se retrouver devant des formes qui évoquent des éléments d'un langage, même si rien n'est jamais évident. Ses études en linguistique lui ont sûrement fait voir et mémoriser quantité de lettres et de graphiques.

Isabelle Leduc présente aussi un ensemble de pièces vernies aux formes géométriques diverses, cercles, demi-cercles, carrés, triangles, empruntés à une série destinée à une école. «Il faut que les enfants puissent toucher ces objets qui sont étonnamment solides, dit-elle. J'aime bien l'idée de série.»

Le concept de série lui permet de modifier la présentation des éléments pour faire de nouvelles propositions.

Les sculptures-peintures d'Isabelle Leduc peuvent être de petite taille autant que de très grande envergure quand il s'agit d'installations. C'est comme si elle avait développé son propre code avec lequel elle peut jouer selon différentes échelles, mais aussi selon différentes idées ou humeurs. Une belle invention dont les possibilités sont infinies, comme on le verra à la Galerie d'Outremont. Impressionnant ce qu'Isabelle Leduc peut faire avec du papier, des languettes de bois et de la peinture.

Y a-t-il un lien entre son travail et celui de son père Fernand, maintenant âgé de 95 ans et toujours actif, qui, oui, la laissait jouer dans son atelier quand elle était petite? «Si on a quelque chose en commun, dit-elle, ça doit être ça, la couleur. L'amour de la couleur.»

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Isabelle Leduc, Volume et couleur à la galerie Graff, 963, rue Rachel Est, jusqu'au 3 mars. Survol, à la Galerie d'Outremont, 41, avenue Saint-Just (Bibliothèque d'Outremont), jusqu'au 4 mars.