Pour «empêcher la folie du monde de s'emparer totalement de nous», comme l'a écrit Alberto Manguel, voilà ce que proposent les oeuvres d'Omer Fast, Teresa Margolles, Philippe Parreno, Taryn Simon et José Toirac exposées chez DHC/ART jusqu'au 13 mai.

Des oeuvres qui sont plus que des témoignages sur le deuil ou l'absence. Mais des vérités sur la vie, l'identité et la politique.

Prenez le film 500 Feet is the Best de l'Israélien Omer Fast, présenté cette année à la Biennale de Venise. Plus qu'un document réalisé à partir d'une entrevue avec un opérateur américain de drones meurtriers, l'oeuvre est un argument sur les conséquences de la guerre. Conséquences pour les victimes qui meurent à des milliers de kilomètres de ce militaire qui appuie sur un bouton à Las Vegas pour activer les drones. Et aussi conséquences pour lui, qui vit depuis avec des blessures psychologiques graves.

L'étrange et l'absurde

Autre travail fascinant, celui de Taryn Simon, une artiste américaine qui expose An American Index of The Hidden and Unfamiliar, des photos prises dans toutes sortes d'endroits des États-Unis plutôt interdits au public et qui permettent de saisir l'absurdité et l'étrangeté qui découlent d'applications scientifiques ou de décisions politiques.

Par exemple, la création en Arkansas d'un tigre blanc aux yeux bleus issu d'un croisement génétique qui lui a donné un museau enfoncé, des membres atrophiés et un strabisme. Ou encore la photo d'un homme qui s'est injecté un médicament pour mourir ou celle des tonnes de fruits et de légumes qui pourrissent dans les poubelles des douanes américaines.

Taryn Simon expose aussi Zahra/Farha, une photo qui reconstitue le viol d'une Irakienne de 14 ans par des soldats américains en 2006. Dureté, émotion et honte.

Le film June 8, 1968 a été réalisé en 2009 par le Français Philippe Parreno. Il s'agit d'une reconstitution (en Californie) du voyage en train fait par le cercueil où reposait le corps du sénateur Robert Kennedy, assassiné deux jours plus tôt. Avec des images d'Américains, dont beaucoup de Noirs, qui rendent un dernier hommage au politicien le long de la voie, entre New York et Washington.

L'oeuvre Opus du Cubain José Toirac surprend également. Il s'agit d'extraits de discours de Fidel Castro. Toirac n'a conservé de la bande sonore que la prononciation des nombres qu'on lit sur un écran noir en même temps qu'on les entend. Une critique universelle de la langue de bois.

Enfin, la Mexicaine Teresa Margolles sculpte avec la mort. Elle expose Plancha, 10 plaques de fer chauffées sur lesquelles tombent des gouttes d'eau qui s'évaporent instantanément en laissant des traces d'éléments minéraux. L'eau provient d'une morgue de Mexico où Teresa Margolles a travaillé. Une eau qui a servi à laver des cadavres et qui disparaît, elle aussi, sous nos yeux.

L'exposition peut être visitée avec un iPhone: la galerie a créé une application qui permet d'écouter des commentaires sur cette exposition avec un téléphone intelligent.

Chroniques d'une disparition, du 19 janvier au 13 mai à DHC/ART.