Les murs de la Dulwich Picture Gallery de Londres sont enflammés ces jours-ci par les peintures automnales et colorées de Tom Thomson et de ses compatriotes du Groupe des Sept, dans la somptueuse exposition Painting Canada: Tom Thomson and the Group of Seven, présentée jusqu'au 8 janvier.

Fait étonnant, il s'agit de la première exposition européenne consacrée exclusivement au Groupe des Sept depuis une apparition aux côtés de peintres plus classiques, en 1924.

Cherchant à créer une nouvelle peinture pour décrire la «vraie nature canadienne», les peintres qui allaient s'unir en 1920 pour donner plus d'impact à leur démarche ont légué à l'histoire de l'art certaines des oeuvres canadiennes les plus importantes.

Avec Tom Thomson (1877-1917) comme figure centrale, l'exposition nous convie à un périple aux confins de la baie Georgienne et du grand parc Algonquin. Les 140 canevas présentés cartographient les expéditions de ces pionniers qui, maniant aussi bien la rame que le pinceau, repoussaient les limites géographiques pour explorer, d'abord en esquisse puis en explosion de matière colorée, l'émotion que suscitait la contemplation de la nature sauvage. Le résultat, saisissant, prouve que la peinture permet parfois de mieux voir qu'à l'oeil nu.

Le quotidien londonien The Guardian a parlé de «once in a lifetime exhibition», ce qui n'est pas sans rappeler l'accueil enthousiaste des critiques britanniques lors de la première exposition du Groupe des Sept, en 1924. Tandis qu'au Canada la presse tardait à se faire élogieuse, qualifiant les tableaux de «criards, affectés et bizarres», à Londres, le Morning Post saluait déjà la modernité de «What may become one of the greatest schools of landscape painting (ce qui pourrait bien devenir la plus importante école de peinture paysagiste)».

Ce désir de traduire l'exubérance du décor naturel, par une interprétation chromatique souvent étonnante, appelle la comparaison avec les peintres scandinaves. Dans son essai inclus au très beau catalogue de l'exposition, Niels Ohlsen rappelle que deux membres du Groupe des Sept, J.E.H. MacDonald et Lawren S. Harris, sortant d'une exposition de peinture scandinave en 1911 à Buffalo, avaient ressenti une affinité très grande avec les artistes nordiques. «Ces peintres ne semblent pas chercher à communiquer quelque chose d'eux-mêmes, mais à traduire le sentiment d'être pris par quelque chose qui les dépasse. Ils commencent par la nature et non par l'art.» Plus loin, dans une lettre, ils auraient dit «voilà ce que nous voulons faire avec le Canada».

Après Londres, les chefs-d'oeuvre canadiens s'envoleront vers le Musée national d'Oslo, où ils laisseront peut-être leurs empreintes dans les travaux de nouveaux artistes européens. Cependant, les toiles nordiques qui inspirèrent nos Canadiens seront visibles à New York dans une exposition qui reprend à l'identique l'accrochage de 1912, sous la bannière Luminous Modernism: Scandinavian Art Comes to America, 1912. À qui voudrait ressentir un peu du choc que Lawren Harris et J.E.H. MacDonald éprouvèrent devant les premières toiles d'Edward Munch ou Ferdinand Hodler... rendez-vous à la Scandinavian House à New York avant le 11 février.

Et si vous n'êtes ni à Londres ni à Oslo, le très envoûtant Matin, lac Supérieur de Lawren S. Harris vous attend patiemment au Musée des beaux-arts de Montréal.