Oubliez les tomahawks en plastique et les canots d'écorce faits en Chine. L'art autochtone ne se limite pas aux cossins touristiques qui se vendent dans les boutiques du Vieux-Montréal.

L'exposition 11 Nations, présentée depuis une semaine à l'Espace Gilles-Carle du marché Bonsecours, en est la preuve. Du plus abstrait au plus figuratif, on peut y voir les oeuvres d'une vingtaine d'artistes contemporains issus des 11 nations du Québec (Abénaquis, Algonquins, Attikameks, Hurons, Cris, Inuits, Mohawks, Innus, Micmacs, Malécites, Naskapis), avec des univers assez disparates.

Bien sûr, il y a les inévitables peintures de loups et les portraits de vieux autochtones visionnaires, qui trouveront preneurs parmi la clientèle touristique du marché Bonsecours.

Mais d'autres évitent un peu mieux les clichés. On pense au travail des Ellen Gabriel (Mohawk), Frank Polson (Algonquin) ou Tanya Mesher Jones (Inuit), qui exploitent l'imagerie autochtone de façon relativement originale, en réinterprétant les vieux symboles de la Terre et du Ciel. On pense aussi à Carmen Hathaway (moitié Abenaki, moitié Allemande) dont l'oeuvre Decision emprunte à l'art numérique.

Moins valorisé au Québec

Si tout n'est pas d'égal intérêt, on ne peut que souligner l'importance de cette exposition collective.

Isolés, éloignés et généralement exclus du circuit des galeries d'art contemporain, les créateurs autochtones ont rarement la chance de rayonner au-delà de leurs frontières.

Selon la commissaire de l'expo, Nadine St-Louis, le problème est encore plus criant au Québec, où l'art autochtone est moins valorisé que dans le reste du Canada. «Il y a une vingtaine de galeries d'art autochtone rien que dans le centre-ville de Winnipeg, explique la productrice culturelle, elle-même d'origine métisse. À Vancouver, c'est la même chose. Mais ici, rien. Pourquoi? Je ne sais pas.»

Autant dire que bien peu vivent de leur art. Ceux qui ont les moyens de voyager vendent leurs oeuvres d'une réserve à l'autre pendant la saison des pow-wow. Les plus «chanceux» sont recrutés pour meubler les halls d'entrée politiquement corrects des édifices gouvernementaux. Mais pour le reste, c'est la survie, chacun dans son coin, avec une «vraie job».

L'avenir pourrait passer par le Canada anglais, admet Nadine St-Louis. Mais encore faudrait-il que ces artistes connaissent la langue, ce qui est rarement le cas: chez les 11 Nations, c'est le français qui prime. Rien pour aider: rares sont ceux qui savent se «vendre» dans les réseaux institutionnels - une lacune à laquelle Mme St-Louis souhaite d'ailleurs s'attaquer dans la prochaine année.

Lueur à l'horizon tout de même: en une semaine, plus de 1500 personnes auraient visité l'exposition 11 Nations, un précédent pour la plupart de ces artistes à diffusion restreinte. L'intérêt irait-il en grandissant? Affirmatif, conclut Nadine St-Louis. «Les gens sont tannés des Walmart et du jetable. Pour eux, le temps est venu de retourner à la terre et de s'imprégner de nouvelles connaissances.»

Exposition 11 Nations, jusqu'en décembre 2012, Espace Gilles-Carle du marché Bonsecours.

www.11nations.com