Une année de cogitation, des heures et des heures de discussions, quatre brouillons, c'est ainsi que Pierre Lapointe résume l'aventure de l'installation qu'il a conçue avec l'architecte Jean Verville. Les deux complices, qui se sont rencontrés dans la fête d'une amie commune, cherchaient à travailler ensemble depuis longtemps. Le MBAM leur en a fourni l'occasion avec l'expo Big Bang, les encourageant fortement à trouver dans la collection des arts décoratifs du musée un objet qui leur servirait de point de départ et d'inspiration.

L'architecte et le chanteur n'ont pas fouillé longtemps. Dès qu'ils sont tombés sur la Solid Chair C2 en résine de polyester peinte vert lime du designer français Patrick Jouin, ils ont su qu'ils tenaient la clé de voûte de leur installation.

Grand fan de design, Pierre Lapointe connaissait bien le travail de Jouin que certains qualifient de nouveau Philippe Starck. Mais en admirant sa célèbre chaise qui se décline en plusieurs couleurs et se détaille environ 25 000 $, il n'a pu s'empêcher de penser à l'humble chaise en résine de synthèse blanche en vente chez tous les bons quincaillers du Québec.

« C'est une chaise qui n'est pas dans le star système comme celle de Jouin et pourtant, c'est une grande chaise utilitaire, qui au moment de sa conception était ultra futuriste. L'opposition entre les deux m'a tout de suite intéressé. »

Jean Verville a pour sa part proposé d'utiliser cette chaise usinée et reproduite à la chaîne, comme un matériau de maçonnerie qui lui permettrait, en jouant avec les échelles, de construire un édifice imposant.

« Édifier cette immense structure, au milieu de laquelle on découvre la chaise de Jouin, nous a permis de magnifier le côté diamant de la chaise, mais aussi de magnifier la chaise utilitaire qui, décuplée, prend un tout autre aspect », explique l'architecte.

En tout, 2000 chaises blanches empilées symétriquement les unes sur les autres forment une sorte d'édifice carré dans lequel le visiteur peut entrer comme dans une chapelle, une cathédrale ou, mieux encore, une salle de spectacle. Un éclairage à la fois discret et dramatique illumine la chaise de Jouin sur une musique rappelant Chopin composée par Pierre Lapointe, preuve qu'on peut sortir le chanteur de la salle de spectacle, mais pas le spectacle du chanteur.