La salle fait 22 mètres de long, 7,8 mètres de large et 4,5 mètres de haut. C'est un petit champ de soccer dont chaque millimètre, du plancher jusqu'au plafond, est criblé de dessins, d'illustrations, de graffitis, le tout unifié par le noir,le blanc et le gris.

Bienvenue dans l'univers d'En Masse, un trio montréalais né en 2009 à la galerie Pangée pendant une Nuit blanche de Montréal en lumière, et dont les trois membres sont à la fois artistes visuels, gérants de chantier et animateurs de happenings.

Invités par le MBAM à participer à l'exposition Big Bang, Jason Botkin, Rupert Bottenberg et Fred Caron n'ont pas conçu un plan ou dessiné une ébauche de leur oeuvre. Ils ont plutôt appelé 40 de leurs copains, les invitant à venir peindre chaque coin et recoin de la salle du musée qui leur a été dévolue, afin de créer une oeuvre collective imposante, spectaculaire et subjuguante.

Au total, 32 peintres, graphistes, bédéistes et illustrateurs, ont répondu à l'appel. Pendant neuf jours, du matin au soir, ils ont fait aller leurs pinceaux, crayons-feutres, bombes de peinture aérosol et surtout, leur imagination, sous la direction artistique de Rupert, Jason et Fred.

Aucun thème imposé, une improvisation libre, mais néanmoins structurée par les gérants de chantier qui de temps à autre, sautaient eux-mêmes dans l'arène pour ajouter, qui un bras, qui une tête d'animal, qui un Stade olympique dévoré par un serpent. « C'est le principe du cadavre exquis, chaque dessin est en réaction à un autre, chacun apporte son talent à l'ensemble », raconte Fred Caron, ancien réalisateur de MusiquePlus.

Fervents apôtres de la démocratisation de l'art, adeptes du low art, l'art de la rue, se considérant comme des artisans plutôt que des artistes, les gars de En Masse n'ont jamais travaillé à une aussi grande échelle qu'au MBAM. N'empêche, ils ont déjà créé une pièce de 150 pieds de long avec 28 de leurs amis à la galerie Pangée. Ils ont aussi fait des installations plus ou moins permanentes dans les locaux de MusiquePlus, les bureaux de l'agence de pub Sid Lee, au siège social du Cirque du Soleil et à l'Espace Go, pour ne nommer que ceux-là.

« Notre approche est accueillante plutôt qu'aliénante. Nous voulons être une porte d'entrée à l'art pour les gens ordinaires », explique Rupert Bottenberg, bédéiste et ex-journaliste au Montreal Mirror.

Quant à l'Américain Jason Botkin, qui fut en quelque sorte l'initiateur de l'entreprise, il compare les happenings d'En Masse aux jams des musiciens. « Au lieu d'être isolés dans nos ateliers, nous recréons à travers nos projets de groupe une sorte de communauté. »

Mais le plus déroutant de la démarche d'En Masse, c'est que leurs projets sont voués à l'extinction. Ainsi, dès la fin de l'expo Big Bang en janvier, l'oeuvre d'En Masse ne sera pas démontée ni entreposée dans les salles d'entreposage du musée. Elle sera complètement effacée sous l'assaut des rouleaux de peinture blanche. Ce qui a été ne sera plus. L'art d'En Masse est aussi éphémère que la vie. Aussi bien en profiter tout de suite.