L'art est un jeu survivra. Située au cinquième étage du Casino de Montréal et menacée par des travaux de rénovation, l'oeuvre murale de Serge Lemoyne sera démantelée et déplacée dans les locaux d'un organisme public «vers la fin de l'été», a indiqué Loto-Québec à La Presse.

Heureuse issue pour une oeuvre mise à mal l'automne dernier quand la direction de Loto-Québec avait prévenu l'héritière du peintre décédé en 1998, Marie-Ève Bolduc, qu'en raison de la modernisation de l'étage du restaurant Nuances, le mur sur lequel Serge Lemoyne avait peint L'art est un jeu - à la demande de Loto-Québec en 1993 - allait être abattu.

D'entrée de jeu, Loto-Québec avait demandé à Mme Bolduc si elle souhaitait que l'oeuvre soit «découpée, démantelée et que ses restes lui soient livrés», a révélé La Presse le 31 janvier dernier. Quelques jours plus tard, Loto-Québec avait formé un comité d'experts pour trouver une avenue honorable pour l'oeuvre polychrome de 88 pieds de long. Le comité a travaillé avec la succession de Serge Lemoyne pour préparer le déplacement de la peinture. L'expert en évaluation d'art Alain Lacoursière est membre de ce comité. Il est aussi président de la Fondation Serge-Lemoyne.

«Au départ, il fallait jouer délicatement, car je savais que l'oeuvre allait être enlevée, démolie ou déplacée, dit-il. C'était évident. Les architectes n'avaient pas nécessairement le mandat de la conserver, car c'était presque impossible avec les commandes qu'ils avaient pour le nouvel aménagement de l'étage.»

Mais le Centre de conservation du Québec a soumis un cahier de charges à Loto-Québec, lui expliquant que, sans que ce soit un jeu d'enfant, l'oeuvre est parfaitement démontable.

«Il y a plein de gens, notamment des conservateurs et des puristes, qui m'ont dit que l'oeuvre n'était pas démontable car c'est du gyproc. Ben voyons donc! dit M. Lacoursière. Il y a plein de choses qui sont faites avec des fresques en Italie. Le Centre de conservation du Québec a de bonnes idées. C'est très faisable.»

Il appert que l'oeuvre ne sera pas démantelée en un seul morceau. Comme il s'agit d'une peinture de bandes de couleurs horizontales séparées par des bandes blanches, la technique consistera à la démonter de façon horizontale, bande par bande, et à la reconstituer en faisant des retouches sur les zones blanches intercalaires.

«Entre chaque plage de couleur, il y a du gyproc non peint, explique Alain Lacoursière. La coupe se fera au niveau du gyproc et ce sera beaucoup plus facile à remonter ensuite sur un nouveau support.»

Loto-Québec a déjà mené des tests sur un mur d'essai et prévoit un déménagement vers la fin de l'été. L'organisme lancera sous peu un appel d'offres pour démanteler et transporter l'oeuvre adéquatement en attendant d'avoir des soumissions d'organismes qui voudraient l'accueillir.

Dans un musée?

L'art est un jeu pourrait se retrouver dans un musée, où sa visibilité et sa préservation seraient optimales, mais Loto-Québec n'écarte pas de la placer dans un espace d'une société d'État, telle que la Caisse de dépôt et placement du Québec, par exemple. «On est en discussion actuellement avec des sociétés publiques, mais rien n'est encore conclu», dit Marie-Claude Rivet de Loto-Québec.

«Moi, je favorise qu'on la donne à un organisme public qui en fera la demande, ajoute Alain Lacoursière. La population a payé pour cette oeuvre acquise dans le cadre de la politique d'intégration des arts aux édifices publics. Il faut qu'elle appartienne à la population et qu'elle soit exposée non pas dans un couloir où personne ne passe, mais dans un endroit éducatif ou un endroit international.»

M. Lacoursière explique qu'il va prochainement faire partie d'un comité formé de conservateurs de musée, de fonctionnaires du gouvernement et de Loto-Québec afin de décider quelle entreprise spécialisée du Québec démantèlera L'art du jeu «à un coût raisonnable», et où cette oeuvre tirera le mieux son épingle du jeu.

Pour joindre notre journaliste: eric.clement@lapresse.ca