Les Iraniens ne boivent plus de vin, mais c'est dans ce pays qu'ont été découvertes les plus vieilles urnes en ayant contenu: elles datent de 5400 avant Jésus-Christ. Deux millénaires plus tard, après en avoir importé pendant des siècles, les Égyptiens commencent à cultiver la vitis vinifera et à produire du vin, un travail confié aux femmes qui avaient aussi le droit d'en boire, contrairement à certaines autres cultures où le «breuvage des dieux» était réservé... aux hommes.

Aux hommes riches, plus précisément, comme c'était le cas en Grèce où s'est développé le symposion, le boire ensemble qui, contrairement au 5-à-7 moderne, se tenait après le repas; les invités s'étendaient sur les sofas réservés à cet effet et les serviteurs versaient dans des cratères le vin et l'eau - un tiers de vin, deux tiers d'eau -, seuls les «barbares» buvant du vin pur, c'est-à-dire épais.

Coupé ou pas, le vin continuera son voyage vers la Gaule de nos lointains ancêtres où son histoire prendra plus d'une heureuse tournure, comme l'illustre brillamment l'exposition À ta santé, César! - Le vin chez les Gaulois qui s'ouvre aujourd'hui au musée Pointe-à-Callière. Cette expo marque les 20 ans de partenariat de PàC avec le musée de Saint-Romain-en-Gal-Vienne du département du Rhône, une grande région vinicole française. Un autre musée gallo-romain du Rhône, celui de Lyon-Fourvière, a participé à cette réalisation montréalaise, comme une vingtaine d'autres prêteurs québécois, canadiens, américains et français, dont le Louvre.

À ta santé, César! présente quelque 200 objets, chacun racontant un bout de l'histoire du vin. Ici un filtre grec - certains vins contenaient alors beaucoup de dépôts - ou de pépins de raisin vieux de 4000 ans, là une reproduction partielle du Cratère de Vix, le plus grand vase de bronze de l'Antiquité - 1100 litres! -, retrouvé dans la tombe d'une princesse celtique dans la région de Bourgogne. Longtemps réservé aux riches, le vin a mené à la fabrication d'une foule d'objets de luxe: coupes fines, urnes décorées, services à boire en argent sortis des meilleurs ateliers de l'époque.

Les Romains

Les Romains aussi aimaient le vin. Les sénateurs et consuls organisaient des banquets qui pouvaient durer une semaine: une amphore n'attendait pas l'autre, que l'hôte sabrait en criant le nom de Bacchus, équivalent romain du dieu grec du vin Dionysos, fils de Zeus qui préférait le brouhaha des tavernes humaines aux platitudes de l'Olympe. Quand César a conquis la Gaule, 50 ans avant notre ère, une amphore (25 litres) de Falerne, un vin napolitain de qualité, s'échangeait contre un(e) esclave et les centurions des grandes armées romaines gagnaient l'équivalent de deux litres de Mamertin par mois. Les hommes de troupe, eux, buvaient du vin aigre coupé à l'eau.

Aux plus méritants de ses campagnes gauloises, César décida plus tard d'offrir des terres et les centurions à la retraite commencèrent à s'installer autour de Massalia (Marseille) où les Grecs avaient planté le premier vignoble gaulois, puis dans le Languedoc. Les Romains importèrent leurs propres vignes, se firent construire de grandes propriétés: une industrie naissait. «Ces vignerons se sont consacrés à la mise en valeur rationnelle du territoire», nous dira Hugues Savay-Guerraz, du Musée de Lyon-Fourvière, conservateur de l'exposition montréalaise. «Ces établissements - certains pouvaient conserver jusqu'à 350 000 litres de vin - étaient toujours près d'une fabrique d'amphores et d'une voie de communication, comme le Rhône.»

Et le vin gaulois, partout dans le monde connu, en est venu à supplanter le vin du conquérant. À ta santé, César!