Il a peint des centaines de trains à New York, des murs, des toiles: à 49 ans, Seen, icône du graffiti new-yorkais, offre à Paris sa première grande rétrospective, une quarantaine d'oeuvres inédites exposées du 28 avril au 14 mai par Opera Gallery.

Sa stature en impose, son regard captive. Avec ses avant-bras recouverts de tatouages et sa crinière blanchissante, Seen alias Richard Mirando, ressemble à un chef indien qui aurait enfilé un jeans et un chandail, le temps d'une entrevue.

Pionnier de l'art de rue et de la peinture murale urbaine à l'aérosol, Seen a acquis une renommée internationale. Ses oeuvres s'arrachent aux enchères et sa cote ne cesse de grimper, confirme Arnaud Oliveux, commissaire priseur spécialiste du graffiti chez Artcurial, maison de ventes aux enchères parisienne pluridisciplinaire.

La semaine dernière, une de ses toiles s'est vendue 31 000 euros lors d'une vente de la maison consacrée à cet art urbain «passé dans l'histoire de l'art et objet d'un marché en pleine ascension depuis 2005/2006», selon M. Oliveux.

Témoin de cet intérêt grandissant, une autre rétrospective consacrée à l'art graffiti en général, Art in the Streets, débutera au MOCA de Los Angeles le 17 avril, une reconnaissance que Seen regarde avec un certain détachement.

Il a longtemps hésité avant de signer un contrat avec une galerie. Rebelle pacifique à la curiosité insatiable - il a peint le panneau Hollywood de Los Angeles - il a toujours préservé son indépendance. Une particularité qui a fait de lui l'une des stars de Style Wars (1982), documentaire de Tony Silver et Henry Chalfant sur les débuts du hip-hop et la métamorphose de la grosse pomme par ses graffeurs.

Seen est né dans le Bronx. À 4 ans il passe son temps à dessiner, jusqu'à ce qu'il trouve une bombe de peinture au début des années 70 et ose s'aventurer à 11 ans, épaulé par son petit frère de 9 ans, Mad, dans le dépôt du métro situé près de chez lui.

Une expérience décisive qui le lance à la poursuite des trains, toiles géantes dédiées à son imaginaire.

«Il y avait ce dépôt juste à côté de la maison. Pour une raison qui m'échappe, je ressentais le besoin de me faire peur», raconte-t-il à l'AFP dans son atelier parisien situé au rez-de-chaussée d'un petit immeuble du 11e arrondissement de la capitale, un lieu de vie qu'il partage avec New York.

«J'ai escaladé le «El» (pour Elevated, ligne 6 du métro aérien à Paris). Ça a été ma première signature. J'ai continué, sortant à chaque station et recommençant sur la prochaine rame. Pour ma première oeuvre, j'ai utilisé du jaune et du rouge. J'ai reçu une photo deux ans plus tard. Ça a été le début d'un style», poursuit-il.

«Il n'y a avait pas d'école d'art à l'époque. Quand on était gosses, on créait nous-mêmes des trucs», se souvient-il, évoquant «une compétition» en bande mais «pas de gang» dans un «New York incroyable».

Des tags hiératiques aux lettrages (writings) plus sophistiqués ou aux fresques comme Murder Express (un cimetière et des colonnes romaines fissurées peints sur un wagon entier), Seen n'a jamais cessé de peindre, laissant aussi son imagination s'exprimer sur des toiles dédiées aux superhéros de son enfance (Batman, Spiderman, Wonder woman...).

«La couleur est devenue très importante dans les années 80», une donnée qu'il a continué de travailler dans son atelier, après avoir quitté la rue et l'illégalité. «Un break» qu'il apprécie: «il prend son temps».

Paris l'inspire: «l'architecture, toutes ces galeries, l'art au coin de la rue.... Ça me fait du bien à l'esprit, à la tête, c'est moi».