Une équipe italienne va déterrer les restes d'une femme morte à 63 ans au XVIe siècle dans l'espoir d'identifier le modèle de la célèbre Joconde de Léonard de Vinci. Ce projet suscite la controverse dans les milieux universitaires italiens, certains historiens considérant son principal instigateur, un ancien producteur de télé, comme un manipulateur des médias.

«Il faut intéresser les jeunes à l'héritage culturel italien avec des enquêtes historiques de ce genre», explique Silvano Vinceti, qui a depuis une dizaine d'années fait des enquêtes similaires sur les squelettes du peintre Le Caravage, du philosophe Pic de la Mirandole, du romancier Giuseppe Tomasi di Lampedusa et du poète Pétrarque.

Plusieurs documents, retrouvés en Italie et en Allemagne au cours des dernières années, ont permis de penser que le modèle de la fameuse Mona Lisa était la femme d'un riche marchand de soie florentin, Lisa Gherardini, qui a été enterrée dans le couvent de Sainte-Ursule, à Florence. M. Vinceti lui-même est l'auteur d'une thèse concurrente: que la Joconde était un apprenti de Léonard de Vinci, avec lequel le peintre entretenait une relation homosexuelle.

«Si nous trouvons un squelette compatible sur le plan du sexe et de l'âge, nous ferons les analyses d'ADN avec les fils de Lisa Gherardini, dont nous connaissons la sépulture», explique Giorgio Gruppioni, anthropologue de l'Université de Bologne qui travaille avec M. Vinceti depuis son projet du Caravage. «On ne sait pas si elle se trouve toujours là, parce qu'une station de police a été construite sur les ruines du couvent. Mais ça vaut la peine de vérifier.»

M. Vinceti était jusqu'au début du millénaire producteur de documentaires artistiques à la Rai, la télévision gouvernementale. Il a accumulé au fil de sa carrière des contacts politiques qui lui ont été précieux pour obtenir les autorisations d'exhumation des squelettes qui l'intéressent.

Légitimité contestée

«Vinceti utilise les médias pour des projets qui ne sont pas vraiment scientifiques», dit Franco Cardini, historien de l'Université de Florence. «Ce qu'il fait a peut-être de la légitimité, mais comme il ne se soumet pas au verdict de ses pairs, c'est douteux.»

La collaboration de M. Vinceti avec l'Office du tourisme italien et les maires des villes où se trouvent les squelettes qu'il analyse fait tiquer les historiens patentés. «Certains disent que c'est du voyeurisme et que Vinceti n'a pas de légitimité parce qu'il n'a pas de diplôme d'historien, explique M. Gruppioni. Mais quelles que soient ses motivations, je pense qu'il faut évaluer ses résultats sans a priori. L'histoire regorge d'autodidactes qui ont eu un impact sur la science. Pensez au moine Mendel, qui a découvert les lois de la génétique. Et pour ce qui est du voyeurisme, je ne vois pas la différence avec les anthropologues qui étudient l'homme de Néandertal.»