Le Musée McCord a 90 ans cette année. Pour souligner l'événement, le musée d'histoire de la rue Sherbrooke Ouest a choisi, dans le million et demi d'artefacts que contiennent ses fabuleuses collections, 90 objets qui racontent autant d'histoires, et encore plus.

Le choix des objets exposés au Musée McCord n'a pas été fait au hasard. Le musée a en effet demandé aux six conservateurs des différentes collections de choisir 15 artefacts chacun. On sentait bien lors de la visite de presse cette semaine que chaque conservateur aurait aimé en présenter au moins le double, et même beaucoup plus.

Nous avons fait le tour de l'exposition en compagnie de l'un d'eux, le responsable des archives, François Cartier. Les histoires que nous racontons ici sont surtout les siennes.

M. Davis Ross McCord, avocat de Montréal dans les années 1880, était un grand collectionneur passionné d'histoire. Celle des autochtones, celle des Français qui ont perdu la guerre et des Anglais qui l'ont gagnée en 1760. On retrouve donc, dans une vitrine à l'entrée de l'exposition, trois artefacts représentatifs: un petit panier perlé, un document signé par Frontenac en 1690 et... une mèche de cheveux de Wolfe conservée dans un médaillon.

M. McCord était un fan de Wolfe. Mais ce n'était pas le cas de tous les Anglais. Ainsi, un peu plus loin dans l'exposition, il y a une caricature plutôt éloquente montrant Wolfe impitoyable envers des Canadiens français à genoux devant lui, le suppliant de cesser d'incendier les maisons et les fermes. Il s'agit de l'une des plus anciennes caricatures faites au Canada. Le Musée McCord possède une immense collection de caricatures de journaux canadiens parmi lesquelles on retrouve celles des Aislin et Chapleau dont quelques-unes font partie de l'exposition. Placés côte à côte, deux dessins de ces derniers représentent bien la fibre montréalaise tissée depuis longtemps par les deux communautés. En 1976, quand le PQ prend le pouvoir, Aislin fait une caricature de René Lévesque s'adressant aux Anglos et disant: «Take a Valium». Chapleau, en 1995, évoque ainsi l'élan d'amour des Canadiens pour les Québécois. Deux chandails sont sur une corde à linge. Sur celui qui a la feuille d'érable, il est écrit: «We love you»; sur l'autre: «Pas cette fois, j'ai mal à la tête».

Autre document intéressant, et touchant celui-là: la dernière lettre de Louis Riel écrite quelques heures avant sa mort et dans laquelle il demande que l'on prie pour son âme. Elle a été donnée au musée par l'un des descendants de ceux qui ont assisté à sa pendaison.

Dans un autre ordre d'idée et pour montrer la diversité des collections du musée, il y a cette photo transformée en grand tableau par les studios Notman, celle, célèbre, du Carnaval de patinage à la patinoire Victoria prise en 1870. Un exploit!

Restons sur la glace et retrouvons le fameux chandail no 9 du Canadien dans les années 1945-1955, celui de Maurice Richard, bien sûr, tricot de laine usé ayant encore les traces de celui qui l'a longtemps porté.

Il y a tellement d'histoires à raconter sur les objets exposés et autour d'eux, aussi bien des tableaux que des plans, des vêtements inuits, des ceintures fléchées, que des corsets et robes de bal des bourgeoises du Golden Mile End au XIXe siècle. Sans oublier les photographies de Notman. Lire les noms des donateurs, c'est comme lire le répertoire des rues du centre de Montréal.

Neuf artistes

Le Musée a demandé à neuf artistes dans différents domaines, dont Lorraine Pintal et Marie Chouinard, de faire le tour de ces objets et de raconter, sur vidéo, leurs coups de coeur. Voilà une autre manière d'animer cette exposition qui pourrait être aride s'il n'y avait des guides comme ces artistes, mais aussi des guides écrits offerts à l'entrée. Ces guides donnent aux visiteurs les repères nécessaires pour s'y retrouver dans l'histoire de Montréal, l'histoire du Québec, celle du Canada dont Montréal a déjà été la métropole.

Peut-être n'en avez-vous gardé aucun souvenir, mais Montréal a déjà été la capitale politique du Canada jusqu'à ce que les Anglais, furieux de la décision de Lord Elgin d'indemniser les victimes de la guerre des Patriotes, 12 ans après les faits, ne mettent le feu au parlement. Cette histoire nous a été racontée par un autre conservateur, Christian Vachon, qui est convaincu que l'auteur de la peinture représentant cet événement n'est pas Joseph Légaré, contrairement à ce que l'on a cru longtemps. Il n'est pas encore arrivé à trouver avec certitude de qui il s'agit. Mais ça, c'est une autre histoire.

Pour ses 90 ans, le Musée McCord a rafraîchi son image en mettant des zébrures sur ses souliers pointus. Il reçoit encore aujourd'hui un millier de dons par année mais il n'est plus en mesure d'en accepter beaucoup, faute d'espace, explique la directrice du Musée McCord depuis un an, Suzanne Sauvage. Mme Sauvage, qui vient du milieu de la publicité, mais aussi des arts, a décidé de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour faire comprendre enfin aux Montréalais que leur Musée McCord est «le plus grand musée d'histoire de Montréal».

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90 trésors, 90 histoires, 90 ans, au Musée McCord, 690, rue Sherbrooke Ouest, jusqu'au 11 septembre 2011. www.musee-mccord.qc.ca

Photo: fournie par le Musée McCord

Photographie d'un Inuit à la chasse au phoque, par James Laurence Cotter vers 1870.