On estime que l'empereur Ying Zheng a fait enterrer une armée de 8000 soldats de terre cuite près de son mausolée à Xi'an en Chine. Seulement quelques statues ont voyagé depuis leur découverte en 1974. C'est donc un événement exceptionnel que propose à compter d'aujourd'hui le Musée des beaux-arts de Montréal. L'exposition L'empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite permet de découvrir une dizaine de personnages et chevaux, en plus de 230 pièces d'époque.

Fidèle à sa vocation, le Musée propose un regard très esthétique sur ces trésors archéologiques et artistiques. «Nous avons beaucoup travaillé la mise en scène de l'exposition afin que les visiteurs soient d'abord saisis par la beauté de ces pièces extraordinaires», a expliqué la directrice Nathalie Bondil, lundi, en rencontre de presse.

C'est vrai que les soldats de terre cuite de l'armée de Ying Zheng sont proprement fascinants. Réalisés au IIIe siècle av. J.-C. par une autre «armée» d'artisans, ces milliers de personnages d'une grande noblesse ne représentent pourtant qu'une petite partie des richesses historiques disséminées sur les quelques 50 km2 du site.

Colossal, le site de Xi'an est le reflet de l'oeuvre gigantesque du premier empereur de la dynastie Qin. L'armée de Ying Zheng était redoutable, mais son règne a inauguré une première période de paix après plus de cinq siècles de guerre.

L'exposition s'applique ainsi à mettre en relief ses réalisations politiques et sociales - qui ont fixé les bases de la société chinoise pendant plus de 2000 ans -, mais aussi à éclairer la vie de ses contemporains.

«Il ne faut pas oublier que près d'un million de personnes ont été déplacées pour travailler à la nécropole, a rappelé Chen Shen, du Royal Ontario Museum (ROM), commissaire de l'exposition. L'histoire culturelle du Shaanxi est d'ailleurs très riche.»

L'exposition parcourt 1000 ans d'histoire de la Chine, entre l'ascension de Qin et la dynastie Han. Présentés dans une douzaine de salles et dans un ordre similaire à celui de l'exposition au ROM, les 240 pièces ont été prêtées par pas moins de 15 musées de la province du Shaanxi.

Ce sont évidemment les 10 sculptures de terre cuite, réunies au centre de l'exposition, qui en constituent les pièces de résistance.

«Des millions de visiteurs se rendent chaque année à Xi'an dans le musée aménagé directement au-dessus de la fosse no. 1, où sont réunis près de 2000 soldats», a expliqué Wu Haiyun, du département culturel du Shaanxi, responsable de la manipulation des précieuses statues.

«Mais seulement une dizaine d'expositions sont organisées annuellement à l'étranger et, à défaut d'aller en Chine, c'est une façon merveilleuse de voir les statues. La scénographie du Musée des beaux-arts est vraiment réussie et chacune des pièces est mise en valeur. La salle de l'archer est particulièrement saisissante avec son mur de flèches et son éclairage.»

Six soldats, deux chevaux, un fonctionnaire et un acrobate sont présentés dans trois salles mises en scène par Stéphane Roy et Bruno Braën. Des effets d'éclairages, des jeux de miroirs et quelques astuces de présentation créent une ambiance magique, qui n'est pas sans rappeler celle de certains chefs-d'oeuvre du cinéma chinois. On présente d'ailleurs des extraits de Hero, de Yimou Zhang, dont l'action se déroule à l'époque de Qin.

Le fameux archer, l'une des très rares statues qui portent encore des traces des pigments colorés qui décoraient toutes les pièces à l'origine, jouit certes d'une présentation privilégiée, mais les autres personnages captent également l'attention des visiteurs, tout comme le reste de l'exposition d'ailleurs.

Présentée au ROM de Toronto l'automne dernier, L'Empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite y a connu un immense succès. Ce serait étonnant qu'elle n'attire pas une autre «armée» de visiteurs à Montréal.

Une découverte exceptionnelle

L'Armée de terre cuite n'a été découverte qu'en 1974 par un paysan chinois, près de Xi'an dans la province du Shaanxi. Une toute petite partie de l'armée (environ 2000 soldats) a été dégagée, mais on estime qu'il y en a au moins 8000 dans différents sites autour du Mausolée de l'empereur Ying Zheng.

L'exposition rappelle évidemment aussi les circonstances fortuites de la découverte de l'armée enfouie et fait le point sur l'évolution constante des travaux archéologiques autour du Mausolée.

«La nécropole de Xi'an est le plus grande du monde et sa découverte est, avec celle de la tombe de Toutankhamon, la plus importante du XXe siècle, a rappelé Nathalie Bondil. Le Mausolée central reste inviolé et on n'a exploré qu'environ 10% du site. Il s'y fait chaque jour des découvertes extraordinaires - certaines pièces présentées ici n'ont été trouvées qu'après 2000 - et on pourra sûrement refaire cette exposition dans 50 ou 100 ans avec des pièces complètement différentes.»

Une ouverture sur l'Asie

La nouvelle conservatrice de l'art asiatique au Musée des beaux-arts, Laura Vigo, ne pouvait rêver meilleure entrée en matière que cette fabuleuse exposition sur l'armée de terre cuite de Xi'an. «Ce sera une belle occasion pour évaluer l'intérêt du public québécois pour l'art asiatique», avouait la dynamique jeune femme, lundi, lors du vernissage.

«Nous allons bientôt (à l'automne) inaugurer de nouvelles salles d'art asiatique, l'une consacrée à la Chine, l'autre au Japon. Le Musée a une très belle collection, acquise dès le début du XXe siècle. La présentation a toutefois longtemps été colonialiste et surtout monolithique, alors que c'est difficile de traiter l'art d'un seul pays comme la Chine de façon uniforme. Nous voulons offrir un regard plus diversifié sur l'art asiatique.»

Le Musée en offrira d'ailleurs un aperçu très bientôt avec une exposition consacrée notamment à l'art contemporain chinois dans les collections montréalaises.

L'expo en bref

> L'empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite se poursuivra à Montréal jusqu'au 26 juin, au pavillon Jean-Noël Desmarais.

> L'exposition sera accessible du mardi au dimanche, avec trois nocturnes par semaine (mercredi, jeudi et vendredi).

> Les droits d'entrée vont de 20$ (adultes 26-64 ans) à 12$ (13-25 ans), les enfants de moins de 12 ans étant admis gratuitement.

> On peut se procurer des billets au Musée, par téléphone (514-285-2000) ou en ligne (empereurdechine.ca ou mbam.qc.ca).

> Un programme très complet d'activités culturelles est prévu en parallèle de l'exposition. Consultez le site du musée (mbam.qc.ca) pour en savoir davantage.