Le Musée d'art contemporain de Montréal propose trois nouvelles expériences visuelles à ses visiteurs: la surprenante première présentation solo au Canada de l'artiste d'origine albanaise Anri Sala; deux oeuvres du duo torontois Daniel Young et Christian Giroux; et Epic Journey, du Canadien Kevin Schmidt, un film-fleuve de onze heures et demie.

L'exposition la plus stimulante est celle d'Anri Sala, qui présente jusqu'au 25 avril une douzaine de ses oeuvres: des vidéos, des photos, une sculpture et une installation conçue pour le musée. La visite de l'ensemble représente une oeuvre en soi.

Fil conducteur de l'exposition: le son. On l'entend ou on ne l'entend pas, directement ou en écho, mais aussi... on le voit ou ne le voit pas. Car pour l'artiste, le «dit» et le «montré» sont aussi importants que le non-dit, que l'invisible ou que le «montré» autrement.

Anri Sala a placé des batteries dans deux salles. Toutes sont pourvues d'un haut-parleur interne et de deux baguettes qui bougent en réagissant aux basses fréquences. On découvre des projections vidéo et des photos de plantes dans un jardin botanique. On distingue faiblement le souffle d'une danseuse en action. On admire le dialogue coloré entre Anri Sala et le maire de Tirana, Edi Rama, peintre à ses heures. On écoute au casque les entretiens que ce dernier a eus avec divers intellectuels ou encore on regarde le solo d'improvisation du jazzman Jemeel Moondoc, filmé en suspension dans le vide, au 18e étage d'un immeuble berlinois.

Toutes ces oeuvres sont des notes artistiques qui, assemblées, forment une partition jamais répétitive. Il faut faire ce parcours lentement, s'en imprégner peu à peu, et revenir sur ses pas pour en découvrir d'autres facettes. Il ne faut pas non plus manquer le film Intervista qu'Anri Sala a réalisé en 1998. Partant de la découverte d'une bobine de film muette, l'oeuvre montre comment on peut retrouver du son perdu grâce à ceux qui n'en ont jamais eu connaissance: les sourds.

Young & Giroux



Daniel Young et Christian Giroux exposent également jusqu'au 25 avril deux recherches. D'abord, Mr. Smith, sculpture modulaire où les atomes sont représentés par des boules en aluminium et où les liaisons atomiques sont en bois. Mr. Smith est «habité», les espaces entre les liaisons étant occupés par des plaques triangulaires en bois.

Le commissaire de l'installation, Mark Lanctôt, conservateur au MAC, explique que la forme de l'ensemble (qui fait une dizaine de mètres de long sur la moitié de haut) «émane du système compositionnel des sculptures de l'artiste américain Tony Smith (1912-1980)».

Le clin d'oeil à l'artiste américain - qui a imprimé sa marque au design géométrique dans les années 60 - est un exercice de comparaison entre l'infiniment petit et l'habitat humain. L'oeuvre est accompagnée, dans la salle adjacente, d'un film sur les formes architecturales surgies du sol torontois.

À l'aide des permis de construction donnés par la Ville de Toronto depuis 2006, les artistes ont pu comprendre ce qui s'est fait depuis cinq ans dans la Ville reine: du McDo à la station-service en passant par les gratte-ciel, les immeubles à bureaux sans cachet et les centres commerciaux plutôt laids. Société en quête de sens ou à la pluralité indéfinie et infinie?

Quant au film-fleuve de Kevin Schmidt, présenté jusqu'au 13 mars, il s'agit d'une vidéo de sa descente nocturne du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique, dans une embarcation qui diffusait sur grand écran l'intégralité du Seigneur des anneaux. Une autre façon d'habiter un lieu en mouvement tout en se projetant bien ailleurs dans le temps, l'espace et la fiction.

Belle rentrée hivernale au MAC, donc, avec des expos qui aèrent notre habitat intérieur.