La collection d'une institution doit nécessairement être à l'image de celle-ci, quitte à parfois nager en pleine contradiction. C'est le cas de la collection de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qualifiée par la conservatrice Marie-Justine Snider, de collection prudente ET audacieuse.

«Prudente parce que chez nous, la dimension investissement est importante. Nous ne sommes pas là pour encourager des artistes émergents, mais des artistes établis dont la pertinence est difficilement contestable», m'explique la conservatrice en poste depuis 2004.

La prudence de la Caisse de dépôt ne s'arrête pas aux artistes. Elle se prolonge dans le contenu des oeuvres qui ne peut être ni sexuel ni politique. Les oeuvres engagées et antimilitaristes de Dominique Blain ne feront jamais partie de la collection de la Caisse, pas plus que les photos controversées de Ken Lum, dont certaines pourtant ont été acquises par la Banque Nationale.

Et l'audace dans tout cela? Formelle, répond Marie-Justine Snider. Devant mon air perplexe, elle m'entraîne dans une vaste salle de réunion au neuvième étage du palais de verre de la Caisse. Sur le mur du fond, j'aperçois, montées sur des tablettes, une quinzaine de portes d'armoires aux teintes pastel. Erreur! Il s'agit d'une installation de l'artiste Guy Pellerin, issue de la série La couleur des lieux et dans laquelle le peintre a reproduit avec exactitude sur des panneaux de bois, les couleurs de Genève telles qu'elles lui sont apparues lors d'un séjour.

L'oeuvre n'est ni politique ni sexuelle, mais elle est formellement très provocante et a dû susciter plus d'un commentaire ironique. «C'est effectivement une oeuvre qui fait jaser les employés, mais de manière positive, affirme Marie-Justine. Certains sont intrigués par la remise en cause qu'elle offre. À d'autres, elle rappelle des souvenirs et des couleurs de Genève.»

La collection d'art de la Caisse de dépôt est née en 2003, en même temps que poussait le nouvel édifice de verre de la place Jean-Paul-Riopelle. Mise en branle par Jean-Claude Scaire, mais activée sous Henri-Paul Rousseau, la collection compte 108 oeuvres contemporaines québécoises datées de 1965 à nos jours et acquises pour la somme totale de 1,6 million.

Comme l'édifice de la Caisse regorge d'autant de murs blancs qu'une galerie, les oeuvres y sont magnifiquement mises en valeur. Ici, un éclatant Rita Letendre illumine la salle d'attente du rez-de-chaussée. Là, l'ascenseur s'ouvre sur le Camille Claudel de Marc Séguin ou encore sur deux magnifiques photos d'un bleu pénétrant de la série Spa de Lynn Cohen.

En 2008, lorsque la Caisse a perdu 40 milliards, le budget d'acquisition a été gelé. En 2009, il n'y a eu aucune acquisition. En 2010 et 2011, le budget d'acquisition sera d'environ 50 000 $. Mais les compressions n'ont pas tempéré l'enthousiasme de Marie-Justine Snider qui compte bien acquérir, cette année encore, la crème de l'art contemporain d'ici.