Qu'ont en commun Ana Rewakowicz, Annie Briard et Louise Viger, à part d'exposer toutes les trois à la galerie Joyce Yahouda? Rien. Un rien exemplaire de la diversité des démarches en art contemporain. Ana présente son vélo, Annie joue avec de la pâte à modeler et Louise fait des robes dangereuses.

Le vélo d'Ana Rewakowicz trône au centre de la galerie Joyce Yahouda. Il n'est pas particulièrement beau, mais c'est beaucoup plus qu'une bicyclette. C'est un «habitat mobile», unique en son genre, prototype mis au point par l'artiste et les étudiants en génie mécanique de l'Université McGill.

L'habitat est composé d'un vélo relié à un coffre sur roues. Une fois ouvert, le coffre se transforme en lit simple recouvert d'un voile qui s'étire en éventail. Le voile se recouvre d'une toile, au besoin, comme une tente. Il y a plus encore: une grille qui accumule l'énergie du soleil, un système pour recueillir l'énergie de la pédaleuse. Cette électricité sert à mettre en marche les instruments essentiels à la vie contemporaine: l'ordinateur portable, l'iPod, et quelques instruments de cuisine. Vraiment très ingénieux. Et ça fonctionne. La preuve: deux vidéos où l'on voit l'artiste s'installer sur une plage ou pédaler dans les rues et les bois de la Scandinavie. Le prototype sera-t-il reproduit? On ne sait pas. Pour le moment, il fait des envieux, et envieuses, même s'il n'est pas équipé pour l'hiver.

L'univers d'Annie Briard est d'un tout autre ordre. La jeune artiste travaille surtout avec la vidéo et le film d'animation placé au centre d'installations. Elle a deux fétiches: une jeune fille rousse ou vêtue de rouge, et le corbeau. Retenons surtout le petit film qui est d'une grâce toute simple et particulièrement touchant. Les personnages, de facture naïve, sont en pâte à modeler. Il y a la jeune fille rousse, enfermée dans une tour, qui pleure, pleure. Ses larmes remplissent un bol que vient ramasser une main mécanique en passant par une petite porte. Les larmes descendent le long d'une tuyauterie qui mène à un amas de copeaux sur lesquels poussent des becs de corbeau. L'autre personnage est un homme à moitié chauve. Il est à l'extérieur de la tour. L'homme achète un bec de corbeau dans une distributrice et se le met sur le nez. Il grimpe une montagne verte abrupte jusqu'au sommet d'où il se jette pour se transformer en corbeau, comme ces corbeaux qui dansent dans le ciel et que la jeune fille solitaire regarde de sa fenêtre. Le film est présenté en boucle, mais l'histoire aussi est en boucle. On pense ici au mythe de Sisyphe.

Enfin, la galerie présente une oeuvre de Louise Viger créée en 2008. Il s'agit d'une sculpture faite de 1300 cintres en bois rassemblés de manière à former une immense robe de bal. Un bal qui aurait mal tourné quand on voit la robe de dos. Elle ressemble alors à un assemblage de bois destiné à se transformer en bûcher, comme ceux dans lesquels on faisait brûler les sorcières. Cela s'appelle Autodafé. La robe parle avec la voix séduisante et les mots puissants de Denise Desautels. C'est une oeuvre troublante.

Ana Rewakowicz, Annie Briard et Louise Viger à la galerie Joyce Yahouda (372 rue Sainte-Catherine Ouest, pièce 516) jusqu'au 12 février. Ouvert du jeudi au samedi, de 12h à 17h, ou sur rendez-vous. Entrée libre.