Pour marquer le 15e anniversaire de La peau de l'ours, groupe de collectionneurs fondé et dirigé par Robert Poulin, la maison de la culture Frontenac accueille, dans ses deux grandes salles d'exposition, une quarantaine d'oeuvres d'autant d'artistes nous permettant de découvrir une collection originale et impressionnante, une collection qui a du mordant.

Robert Poulin n'a peut-être pas tenu ses promesses faites il y a 15 ans, mais il a tenu bon. À l'origine, La peau de l'ours rassemblait 13 collectionneurs, hommes d'affaires et professionnels appartenant pour la plupart à une équipe de hockey amateur. Le groupe, dont chacun investissait au moins 2000$ par année, achetait des oeuvres d'art québécoises qui seraient revendues 10 ans plus tard, en 2005. Avec profits, évidemment, que l'on partagerait entre associés et artistes.

La peau de l'ours made in Québec est inspiré d'un collectif de collectionneurs du même nom fondé en France en 1904. Ce collectif mit la main sur des Picasso, Matisse et autres toiles du même acabit avant que les artistes ne deviennent célèbres. Il revendit les oeuvres en 1914 et connut un tel succès que l'événement fait aujourd'hui partie de l'histoire.

Mais Montréal n'étant pas la capitale mondiale de l'art, et le marché québécois étant ce qu'il est - timide -, Poulin a proposé à ses amis de poursuivre l'aventure et d'enrichir la collection de nouveaux artistes et de nouvelles oeuvres plutôt que dilapider ce qu'il considérait comme un bon début de collection. Cela n'a pas fait l'affaire de tout le monde et il n'est resté, aux côtés du fondateur, que cinq associés auxquels se sont par la suite ajoutés 14 nouveaux membres. Le nouveau rêve de Poulin: monter une collection qui s'impose par la qualité de ses acquisitions, mais aussi par la quantité, jusqu'à ce qu'elle devienne un corpus exemplaire d'une centaine d'oeuvres représentant ce qui s'est fait de mieux en peinture chez les artistes de sa génération surtout et de celle qui suit.

À voir l'exposition présentée à la maison de la culture Frontenac, on se dit que Robert Poulin, 61 ans, et son équipe ont marqué des buts et que déjà, avec les 41 pièces exposées, la série finale s'annonce prometteuse. Et on envie les gens qui vivent avec ces oeuvres dans leur maison - que l'on imagine grande - ou dans les bureaux de leur entreprise.

On s'attend à ce qu'une collection regroupant les oeuvres de 41 artistes soit disparate et éparpillée. Ici, ce n'est pas le cas. Ce qui unit cet ensemble, c'est la force d'expression des oeuvres, leur fougue, leur violence. Poulin aime la peinture-peinture, les grands formats «à hauteur d'homme, avec lesquels il faut se battre», les oeuvres d'artistes qui ont mûri. «Je dois être touché au coeur, au ventre, après, la tête réfléchira», dit-il en faisant avec nous le tour de cette collection. Même s'il s'agit d'oeuvres bidimensionnelles, l'espace représenté est souvent multidimensionnel, on sent que le choix des pièces est fait par un artiste qui a été sculpteur dans une autre vie.

Certains artistes représentés sont bien connus, et reconnus par les institutions, comme Marc Garneau, premier sur la liste chronologique des achats du collectif, ou Kittie Bruneau, la doyenne, qui n'a rien perdu de sa vigueur, ou encore Jérôme Fortin, François Lacasse, Plotek. D'autres évoluent dans un autre circuit, comme l'excellent dessinateur Marc-Antoine Nadeau dont les oeuvres sont inspirées par la vie qu'il mène en grande partie sur son voilier. Certains artistes ne sont pas tellement connus comme Claire Labonté, qui pourrait aussi bien appartenir au monde de l'art naïf mais dont l'immense toile exposée ici est l'une des plus marquantes.

Robert Poulin aime l'art rebelle, comme on pourra le constater, et va de plus en plus vers des artistes proches de la bande dessinée sanglante et de la peinture narrative cruelle.

Et il est lui-même un rebelle dans ses choix, faits en toute liberté. Il est ce qu'on appelle un lone ranger.

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Il ne faut pas vendre la peau de l'ours, jusqu'au 16 janvier, à la maison de la culture Frontenac, derrière la station de métro Frontenac. Entrée libre. Horaires changeants à cause des Fêtes, vérifier au 514-872-7882. (www.lapeaudelours.com)