Figure cubaine de l'art conceptuel, Glenda León est à Montréal pour présenter Un ruido azul, une démarche artistique qui est au son ce que le métamorphisme est à la Terre.

«Il s'agit d'une exposition multidisciplinaire sur le son et la musique, en fait un dialogue entre la musique et les arts visuels», dit en entrevue Glenda León. Intellectuelle de l'art, Mme León pourrait être une pétrographe dont la matière ne serait pas minérale mais sonore. Ayant baigné depuis 34 ans dans un univers de danses et de musiques, autant cubaines qu'américaines, elle se consacre à extraire de son expérience sensorielle une série d'oeuvres que l'on pourrait qualifier de métamorphiques.

Le métamorphisme sonore de León est une transformation de son propre bagage sonore et musical en installations, tableaux et sculptures. Son art original et pur a quelque chose de si cristallin et résulte d'une telle intensité mentale qu'il suggère une analogie géologique, celle du métamorphisme de la croûte terrestre accouchant des plus beaux cristaux après bien des crises, des pressions et des hautes températures.

Si la science de la Terre est une oeuvre de mémoire, celle de Glenda León se décline aussi en termes temporels, illustrant la propre histoire de sa vie, de ses amours et de ses pratiques culturelles et techniques.

Loin de l'académisme, son travail s'exprime au moyen d'objets sculptés, de photographies ou de vidéos qui permettent «de voir la musique et d'entendre les images».

Passionnée d'électronique, Glenda León explique que les humains «ont beaucoup perdu la connexion avec eux-mêmes».

Pendant l'entrevue, un bruit étrange provient de la rue Sainte-Catherine. Elle tend l'oreille. «Le bruit est pour moi une sensibilité à écouter, dit-elle. Une connexion avec toi, avec ton coeur et ta conscience.»

Le Ruido azul, ou «bruit bleu», est un tableau sur lequel elle a fixé une boule de rubans magnétiques provenant d'une cassette audio, un ruban enchevêtré et teint en bleu. «J'ai pris le ruban d'une cassette et je l'ai mis en boule, dit-elle. Cela produit comme un bruit. Et le résultat ressemble à un coeur.»

Escuchando la lluvia représente des gouttes d'eau faites de petits morceaux de rubans découpés, plus sonores que jamais. Dans une autre salle, un lutrin expose une partition sans notes de musique. Nom de l'oeuvre: Escuchando el silencio. Dans la dernière salle, Escuchando las estrellas est une installation où les étoiles ont composé la musique. Le résultat est saisissant.

Toutes les oeuvres que Glenda León a créées dans le cadre d'Un ruido azul ne sont pas à Montréal. «C'était difficile de pouvoir les transporter depuis La Havane», dit-elle. Par contre, on peut les voir à www.glendaleon.com.

Une de ses oeuvres est un «dessin acoustique», une impression numérique de la bande d'une cassette sur laquelle a été enregistrée la chanson I am a Creep, de Radiohead. Elle a aussi créé Animal Sordo qui a la forme d'un 33 tours réalisé avec des poils d'animaux et au centre duquel trône une «oreille humaine» en silicone et dans laquelle on voit un bouchon de cire.

Artiste apolitique

Originaire de La Havane, Glenda León a fait des études en art et en danse à Cuba avant d'étudier les nouveaux médias à Cologne, en Allemagne. «J'ai appris l'histoire de l'art à l'université. Cela m'a apporté des connaissances sur les théories artistiques et ça m'a permis de systématiser mon travail. Mais j'ai plus grandi avec la musique rock qu'avec la musique cubaine.»

Elle connaît bien Montréal. Elle a notamment été artiste en résidence à la Fonderie Darling au début de l'année. C'est alors qu'elle a rencontré le galeriste Pierre-François Ouellette. Elle a exposé à Cuba, en France, en Allemagne et au Canada. On retrouve ses oeuvres dans des musées nord-américains (Houston et Pittsburgh) et au Centre Georges-Pompidou, à Paris.

En ce moment, une de ses oeuvres fait partie de l'exposition La terre est bleue comme une orange, au Musée des beaux-arts de Montréal: Cada respiro (chaque souffle) est une installation vidéo qui montre une femme couchée dans l'herbe, près de la mer. On l'entend respirer. On voit l'effet de sa respiration sur son corps. S'élève dans l'air un des éléments de l'imprimé de sa robe, sorte de polype restant en suspension au-dessus de son corps.

Glenda León est connue dans son pays comme une artiste émergente ayant une démarche totalement contemporaine. «Je suis reconnue à Cuba, mais pas comme une artiste politique, dit-elle. La politique ne m'intéresse pas. La population reçoit bien mon travail. Même si l'art conceptuel n'est pas très populaire à Cuba, je représente une partie de la culture cubaine.»

Un ruido azul, de Glenda León, à la galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain, du 11 décembre au 29 janvier 2011, du mercredi au samedi, de 10h à 17h30.