Vert, ludique et sans prétention, Roadsworth communique avec ses pochoirs sa joie de vivre et ses sarcasmes dans le paysage urbain montréalais depuis plus de 10 ans. Arrêté en 2004 pour avoir osé pocher un peu d'humour et d'insolence sur le bitume de la cité, Roadsworth expose pour la première fois en solo et légalement... entre quatre murs.

L'atelier Punkt de la rue Casgrain présente actuellement une murale qu'il vient de créer in situ, oeuvre aussi éphémère que celles réalisées dans les rues de Montréal. Vous avez déjà sûrement vu ses célèbres prises de courant, ses chouettes, ses fermetures éclair, ses souches ou ses feuilles d'érable peintes ici et là, égayant le goudron ou le béton d'un geste artistique en forme de points d'exclamation.

De son vrai nom Peter Gibson, Roadsworth tient sa première expo solo à l'initiative d'Emmanuel Galland, dynamique commissaire d'expos branchées à Montréal. «Le solo en galerie n'était pas pour rendre Roadsworth plus bourgeois, mais pour voir comment il allait s'en sortir, lui l'artiste d'art public autodidacte», dit Emmanuel Galland.

La création de Roadsworth est présentée sur quatre murs et sur le sol. Une vingtaine de pochoirs sont accrochés à un mur. Recréant une sorte d'effet miroir, l'oeuvre en tant que telle est peinte avec l'aide de ces mêmes pochoirs sur les trois autres murs et par terre, puisqu'on peut en effet marcher sur une partie de l'oeuvre.

La narration commence sur le mur où il a décliné en larges bandes verticales, façon Guido Molinari, ses cinq couleurs de base que sont le blanc, le jaune, le gris bitume, le noir et le bleu poudre. Puis, à l'aide des pochoirs, il construit une histoire: on part de l'automne et des feuilles jaunies, puis on passe à l'été avec un immense tournesol royal et un laboureur dans un champ, et des enfants qui courent et disparaissent à la faveur d'un arbre qu'il a peint sur l'unique colonne de la pièce.

Une chute d'eau se prolonge sur le sol, le flux emportant des poissons vers une bouche d'égout dessinée près de l'entrée de la salle. Un mur évoque la cité industrielle et sa pollution. Un autre affiche une sorte de vaisseau de style Star Wars.

«Cette peinture, c'est comme un remake, dit Roadsworth. Les pochoirs sont des bouts de musique et j'essaie de faire une histoire logique avec un côté satirique et sarcastique.»

Roadsworth a aussi obtenu un permis de la Ville pour ajouter à sa réalisation intérieure deux interventions extra murales réalisées sur la chaussée de la rue de Gaspé, sous les fenêtres de l'Atelier Punkt. Un catalogue portant sur sa pratique sera aussi lancé le 19 novembre.

«C'est différent de travailler à l'intérieur et à l'extérieur, dit-il, mais ce n'est pas moins légitime ou plus légitime. C'est un autre espace. Je dirais même que c'est plus difficile à l'intérieur qu'à l'extérieur, car il y a moins de repères entre quatre murs blancs.»

Marié et père de deux enfants, Roadsworth ne cherche pas plus qu'il ne faut à pénétrer le marché de l'art contemporain. Il dit avoir assez de contrats du privé et du public pour vivre avec sa famille. Mais il ne ferme pas la porte à une commercialisation de son art. «Je vis souvent un mois à la fois, mais mes enfants grandissent, dit-il. J'ai plein de toiles, des bonnes et des moins bonnes. Ce n'est pas que je veuille les vendre à tout prix, mais je pourrais bien à un moment donné me débarrasser de ce stock! Mais ce n'est pas mon but premier.»

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On & Off de Roadsworth Jusqu'au 21 novembre à l'Atelier Punkt.