«Nous avons voulu présenter l'histoire de Montréal en situant la ville, dans le temps et l'espace, au coeur des grands réseaux.»

Francine Lelièvre a pas mal la plus belle job d'historienne à Montréal: elle dirige Pointe-à-Callière, le musée d'histoire et d'archéologie de Montréal. Sur les lieux mêmes du premier établissement de l'île, au confluent du Saint-Laurent - que les Iroquoiens, les premiers habitants, appelaient «le chemin qui marche» - et la rivière Saint-Pierre, renflouée depuis.

«Pointe-à-Callière est le lieu identitaire de Montréal», dira l'historienne en présentant à La Presse le troisième spectacle multimédia de l'histoire du musée, Signé Montréal, que le public pourra voir à compter de mardi. En 1992, le premier spectacle multimédia de Pointe-à-Callière avait une approche cinématographique; pour le deuxième, au tournant du millénaire, on avait choisi un déploiement théâtral.

Signé Montréal a été conçu à partir d'une approche graphique mise au point par les créateurs de Moment Factory et de gsmprjct°, deux firmes montréalaises choisies parmi la huitaine de consortiums, à qui Pointe-à-Callière a commandé un spectacle «grand public» - public adulte et scolaire, local et touristique - et à la fine pointe de la technologie. Et qui doit, en 18 minutes, «faire connaître et aimer» l'histoire de Montréal.

Le tout sous la surveillance d'un comité scientifique formé de 20 historiens et d'un comité technologique idoine. «Nous avions établi une vingtaine de paramètres technologiques et autant de paramètres de contenu», explique Anne Élizabeth Thibault, la chargée de projet. «Cette «bible» nous a servi de guide jusqu'à la fin.»

Et voici Signé Montréal, scénarisé par Pierre Szalowski, spectacle multimédia «immersif» tant du point de vue visuel que sonore. Trois écrans déployés sur trois côtés (270 degrés) pour une superficie de projection de 300 mètres carrés, avec système de projection vidéo doté de 15 ordis et utilisant le procédé de fusion des contours (edge blending): les rames du métro de Montréal tournent les coins comme si de rien n'était, au-dessus des vestiges (réels) de l'édifice de la Royal Insurance. Bleu et blanc tout le temps, le métro, mais ici brillant de 10 millions de pixels!

Le spectateur - qui peut soit s'assoir devant l'écran central ou se tenir debout sur les passerelles latérales - est muni d'un casque d'écoute dans lequel Montréal peut lui parler en huit langues: français, anglais, espagnol, allemand, italien, japonais, cantonais et arabe. La musique (d'Anthony Rozankovic) et les bruits sont en surround sound: attaques des Iroquois, bombardements de la Première Guerre, cris de la foule du Forum qui acclame Maurice Richard, le Rocket.

Et ça roule! La voix française de Montréal est celle d'Isabelle Miquelon qui, souriante à souhait, lit un texte de François Hébert. Le poète «de cirque et de circonstance» (l'Hexagone, 2009) a aussi écrit le texte du livre Signé Montréal qui contient, encapsulé dans la couverture, un échantillon de terre extrait par les archéologues sur le site même du fort Ville-Marie.

«Quand j'ai vu le spectacle, dit Francine Lelièvre, je me suis dit qu'il fallait un livre pour faire vivre cette histoire hors du musée.» Devant le court délai - moins de deux mois - le musée a dû éditer lui-même le livre.

De la belle ouvrage (60 $), où «Françoué» Hébert ne s'enfarge jamais dans la chronologie de ce «parcours éclaté» qui nous fait voir, ici, Mae West et les biscuits Whippets main à main dans le même paragraphe, là, le club de golf Royal Montreal sautant de son site original du parc Jeanne-Mance à l'île Bizard.

Le spectacle (comme le livre qui présente des images fixes tirées de la vidéo) met en relief sept grandes époques de l'histoire de Montréal «plaque tournante»: de la «mer de glace» au Montréal mondial (où il ne fait pas chaud non plus), en passant par Hochelaga, Ville-Marie le Montréal et le «Montreal» de l'empire britannique, devenue métropole, puis grande ville américaine.

«Chaque époque a son style graphique, rappelle Mme Lelièvre. Et les créateurs - un artiste différent pour chaque époque - ont respecté les styles.» Les époques, elles, ont imposé le rythme: lento dans le temps de Maisonneuve, plus speed autour du parc Molson du Rosemont moderne.

Pour Francine Lelièvre, qui se compte chanceuse d'avoir participé à la réalisation de «quelque chose de différent», Signé Montréal est né de la rencontre «unique» de l'Art, de la Technologie et de l'Histoire.