À 54 ans, Zïlon n'a plus rien du chat de gouttière qui marquait de ses traces le territoire montréalais, à ses risques et périls. Il a été le premier, rappelons-le, à donner un caractère esthétique aux graffitis de la ville, au milieu des années 70. Et même s'il est aujourd'hui grisonnant, l'artiste reste rebelle. «Je suis toujours le même ti-cul, dit-il, mais la liberté, je l'ai!» Il l'a durement gagnée.

Zïlon, alias Raymond Pilon, expose ses oeuvres jusqu'au 26 septembre à la Galerie Lounge TD, du groupe Spectra. Pour cette exposition en noir et blanc comme les notes d'un piano, il s'est inspiré du jazz qu'il écoutait tout en travaillant. «Miles Davis, dit-il à La Presse, Billie Holliday, Nina Simone, Coltrane...» Il imaginait l'atmosphère des bars de jazz obscurs, enfumés, comme on peut les voir dans les vieux films, films noirs, jazz noir...

Jazz noir est d'ailleurs le titre de cette exposition composée d'une vingtaine de tableaux sur lesquels sont collées des séries de visages dessinés sur des feuilles et arrachées à des cahiers. La marque des déchirures évoque celle des trous dans les pellicules de films. Les visages pourraient être ceux de chanteurs et chanteuses de jazz, ou de rock, mais ils ne représentent aucune vedette en particulier.

Zïlon ne dessine presque rien d'autre que des visages. C'est à partir de ce motif qu'il construit toutes ses oeuvres. «C'est ma signature, dit-il. C'est par le visage que passent les émotions.» Les yeux, surtout, d'une taille souvent démesurée et brillants, comme dans les mangas japonais.

Il est rare qu'un artiste du milieu des arts visuels prenne autant de place sur la scène montréalaise. Zïlon est partout. Encore sur les murs, comme on peut le voir sur le boulevard Saint-Laurent au sud de la rue Sainte-Catherine, ou dans la rue Sainte-Catherine près de la rue Montcalm, ou encore depuis plusieurs années sur le mur de la bijouterie seule debout dans un terrain vague, près de la rue Saint-Dominique et toujours rue Sainte-Catherine.

«Je suis moins motivé qu'avant pour les murales, explique-t-il. Je ne suis plus anonyme. Je signe Zïlon, c'est comme si je donnais mon numéro de téléphone à tout le monde.» Il a aimé la spontanéité de ces oeuvres faites clandestinement à l'époque et pour lesquelles il s'est fait arrêter à quelques reprises. Non, avoue-t-il, il n'a pas établi de liste de tout ce qu'il a laissé de traces sur les murs, les toilettes de bars et cafés, les tunnels, les appartements privés. Il ne sait pas ce qui est advenu de tout ce qu'il a réalisé.

Mais il n'y a pas que les murs. Zïlon fait aussi les galeries et les maisons de la culture, pas encore les musées, qu'il appelle des «zoos pour espèces en voie de disparition». On trouve sa marque dans des affiches, des décors de théâtre, sur des vêtements. Il a travaillé pour des grands: Robert Lepage, Wajdi Mouawad, Jacques Languirand, Philippe Dubuc, Denis Gagnon... Il a aussi fait une BD avec Anik Jean, dont il aime le dynamisme, et espère en faire bientôt une autre dont il serait le seul auteur.

Dans les prochaines semaines, on verra Zïlon non seulement dans cette belle galerie qui sert de salle de presse pendant le Festival de jazz, mais aussi au Centre culturel de Montréal-Nord jusqu'au 5 septembre. Puis à la galerie MX à partir du 29 septembre et, enfin, il sera jusqu'au 7 août à l'angle de la rue McGill et de la rue Sainte-Catherine, en direct, pendant le Festival mode et design.

Les tableaux jazz de Zïlon se vendent de 600$ à 4000$, mais on peut avoir un t-shirt portant sa marque pour 35$. Le tirage est de 200 exemplaires, qualité Festival international de jazz de Montréal.

Jazz noir, Galerie Lounge TD, Maison du festival Rio Tinto Alcan, 305 ouest, rue Sainte-Catherine. Jusqu'au 26 septembre. Ouvert mardi et mercredi, de 11h30 à 18h; jeudi et vendredi, de 11h30 à 21h; samedi et dimanche, de 11h30 à 17h.