Jenny Holzer n'est pas drôle du tout. Dans l'exposition présentée à la galerie DHC/Art, elle s'intéresse à que l'on préfère généralement ne pas voir: la guerre, la torture, la peur, l'horreur, le viol... On sort de là très mal à l'aise.

Jenny Holzer, artiste américaine née en 1950, a déjà été moins dure, même si l'art qu'elle pratique a toujours été socialement engagé. Elle s'est fait connaître à la fin des années 70 par ses Truisms, enseignes lumineuses installées à Times Square qui diffusaient des messages poético-politiques à la manière d'enseignes commerciales. Des messages qui disaient, par exemple, «Protect me from what I want», ou encore «Money creates taste».

DHC/Art, centre d'art contemporain privé qui occupe tout un immeuble de la rue Saint-Jean, dans le Vieux-Montréal, présente des oeuvres récentes de Jenny Holzer, des installations dans lesquelles elle utilise encore les jeux de lumière des enseignes électroniques. Sur les murs s'ajoutent des extraits de documents confidentiels (déclassifiés) de l'armée américaine et quelques peintures inspirées de plans de guerre et d'instruments de torture. Des messages, que l'on a peine à saisir, déroulent. Ils reprennent des extraits des documents. Documents qui peuvent être des rapports d'autopsie, des témoignages de soldats ou de prisonniers de Guantánamo, des protocoles de torture. Il y a dans les oeuvres de Jenny Holzer un contraste entre la dureté du contenu et la beauté formelle. Par exemple, la torture par l'eau (Water Board/Black White) est représentée par un tableau noir et blanc qui évoque le Carré noir de Malevitch.

Dans une autre installation intitulée Lustmord Tables (sans lumières clignotantes, cette fois), on trouve deux grandes tables où sont alignés des ossements humains. Certains os ont des bagues portant des messages difficiles à déchiffrer. L'artiste fait ici référence aux viols dont ont été victimes les femmes et les fillettes pendant la guerre dans l'ex-Yougoslavie. Cette salle est gardée par un agent de sécurité qui semble faire partie de l'installation.

Tout ça donne froid dans le dos. Et pour s'assurer que le message reste dans nos mémoires, Jenny Olzer a imprimé quelques extraits des documents exposés sur des feuilles distribuées aux visiteurs. C'est ainsi que l'on sort de l'édifice avec, en mains, un rapport d'autopsie...

L'exposition se poursuit dans un immeuble voisin avec deux installations lumineuses plus réjouissantes. La première (For Chicago) s'étale sur tout le plancher de la salle et rassemble des extraits de textes personnels de l'artiste. Les messages roulent les uns sur les autres à des vitesses différentes, de droite à gauche ou inversement, dans un jeu éblouissant (littéralement). La deuxième (Monument) prend la forme d'une tour qui lance elle aussi des mots ou des messages difficiles à saisir qui clignotent comme des lumières dans un arbre de Noël.

L'oeuvre de Jenny Holzer est complexe. Et savante. Mais son message est clair: gardons les yeux ouverts sur ce que l'on veut nous cacher. À l'entrée de la galerie, le visiteur peut prendre un dépliant cartonné qui explique avec beaucoup de précision et de clarté la démarche de cette artiste importante sur la scène internationale de l'art contemporain. Le texte est signé John Zeppetelli, commissaire de l'exposition et directeur de DHC/Art.

Jenny Holzer, jusqu'au 14 novembre à DHC/Art, 451 et 465, rue Saint-Jean dans le Vieux-Montréal. Ouvert du mercredi au vendredi, de 12h à 19h, samedi et dimanche, de 11h à 18h. Entrée libre.