Grand voyageur fasciné par les rares espaces laissés intacts, photographe autodidacte au regard attentif et à l'oeil bien vissé, le Français Vincent Munier présente ses images magnifiques dans l'immense tente érigée pour l'exposition État sauvage sur les quais du Vieux-Port de Montréal.

Oui, Vincent Munier a capté des photos de boeufs. Ne souriez pas, ces boeufs sont musqués, un animal rare, impressionnant et pas nécessairement commode, isolé qu'il est dans les froideurs nordiques, loin de la cacophonie humaine. Munier, qui a croisé ces bêtes de très près lors de ses pérégrinations en blancs pays, en Norvège principalement, nous explique: «Le boeuf musqué est moins menacé de disparition que le caribou, mais il demeure un animal fragile. Et une bête magnifique, proche du mammouth, une énorme créature primitive de 500 kg. Ce qui me fascine de cet animal, c'est sa force à s'adapter à des milieux parfaitement hostiles. En hiver, les boeufs musqués ne se nourrissent que d'herbes enfouies sous la neige. Quatre mois passés sans soleil, dans la nuit totale, en ne bouffant que du lichen sous des températures qui peuvent descendre jusqu'à -60.»

Munier, de notoriété internationale, qui a abandonné ses études scientifiques pour la photographie - passion congénitale, son père était photographe - expose chez nous ses portraits saisissants, 150 en tout, images croquées aussi par les gens du National Geographic et du musée Smithsonian; autant de témoignages vibrants, chaque artiste y allant de son intuition, de ses moyens et de ses aspirations intimes. «Pour moi, ce n'est pas la quête d'un exploit, dit Munier. C'est surtout une quête personnelle. J'aime le fait d'être livré à moi-même, j'en apprends beaucoup. Chaque voyage est une accumulation de petits défis, et il y a toujours cette surprise extraordinaire de voir apparaître soudainement tel ou tel animal.»

Nous, habitués aux affres hivernales, nous demandons pourquoi les déserts de glace suscitent la passion de ces Européens venus de terres au climat tempéré: «Je ne sais pas pourquoi je suis attiré par le froid, je suis comme tout le monde, je n'aime pas avoir froid», précise l'esthète aventurier, qui se plaît autant dans les plaines frigorifiées de la Sibérie que dans les déserts chauds du Sahara. «Le voyage est une passion et j'aime témoigner de mes expériences. J'ai grandi dans de petites montagnes à l'est de la France, je connais la neige. Le blanc de la neige efface un peu tout ce qui est de trop. On voit par la neige les choses et le paysage de façon épurée, on se sent libéré.»

Par ces temps désagréablement caniculaires, il fait bon de voir l'expo État sauvage, près du fleuve, pour une bouffée d'air froid imaginaire.

État sauvage, sur les quais du Vieux-Port jusqu'au 6 septembre 2010. www.etat-sauvage.com