Fabricant de jouets dans l'âme, Joe Battat aime le beau. Transporté par l'élan de l'esthète à la vue d'un geste artistique fulgurant, il s'est lancé dans la promotion de l'art contemporain et a ouvert la galerie Battat Contemporary en 2009.

Libanais d'origine, Joe Battat a étudié au Proche-Orient avant de s'établir à Montréal en 1968 pour étudier à McGill. «J'y ai étudié la chimie, les mathématiques et la poésie française, Proust, Cendrars, dit-il. J'ai ensuite été embauché par une banque à New York et je suis revenu à Montréal travailler dans l'import-export.»

 

Son entreprise importait des briquets et des jouets. Vendre des jouets en plastique était un réel plaisir. «D'une certaine façon, je me disais qu'on apportait du confort à la société. On est donc devenu fabricant de jouets dans les années 80.»

En 1990, il achète une usine dans Saint-Henri. Quatre ans plus tard, Les Plastiques Caduna acquiert de nouvelles machines. L'entreprise devient florissante. En 2006, à cause du dollar canadien, elle ferme. «On fait maintenant de la création et on fait fabriquer en Chine et en Thaïlande», dit-il.

Une «fantaisie»

Collectionneur de dessins anciens, il explique que l'ouverture de sa galerie, rue Alexandra, près du parc Jarry, est une «fantaisie». «Je collectionne des dessins anciens et je dessine, dit-il. Je cherchais un studio pour dessiner le week-end. J'ai trouvé cet espace de 2000 pi2. Compte tenu de sa grandeur, cela m'a intéressé, en plus, de montrer de l'art contemporain.»

Sa femme lui a conseillé de s'intéresser à la scène locale. «Le galeriste René Blouin m'a aussi encouragé à créer une dynamique sur la scène culturelle, dit-il. Les dessins anciens, c'est bien, mais les artistes sont morts. L'art contemporain, c'est vivant. Les artistes sont là, mais tu ne sais pas où leur travail va aboutir.»

«Catalyseur» d'art

Il se veut aujourd'hui «catalyseur» d'art. Il souhaite que sa galerie permette à des artistes «qui ont des choses à dire» d'exposer. «Je me suis aperçu qu'ici, contrairement à d'autres endroits du monde, il n'y a pas ou presque pas d'engagement de l'artiste contemporain à l'égard d'une galerie. Les galeries prennent des oeuvres et les revendent, mais je ne voulais pas vendre pour vendre. Mon but était aussi de faire connaître les artistes hors du Québec.»

Comme entame à sa nouvelle passion, il a présenté au printemps 2009 Headgames: hodds, helmets and gasmasks, une exposition de Sophie Jodoin dont la démarche se fait au moyen de la photo, de la peinture, du dessin et de la vidéo. «Ses casques et ses masques ont amené bien du monde, dit-il. On a eu près de 700 personnes au vernissage.»

Joe Battat avait vu les oeuvres réalistes de Marion Wagschal à la galerie McClure du Centre des arts visuels en 2008. Il l'avait rencontrée et était allé la voir à son atelier de Notre-Dame-de-Grâce. «J'ai vu ses toiles dans son studio. Je n'en revenais pas! Je lui ai demandé pourquoi elle n'avait pas de galerie. C'est une femme très indépendante, qui enseigne. Je lui ai donc proposé d'exposer ses oeuvres et je lui ai acheté une demi-douzaine de tableaux.»

Battat a exposé Wagschal ce printemps. Une très belle exposition. «Avec de 40 à 50 visiteurs par jour, c'est satisfaisant, dit Joe Battat. Ce show a donné une nouvelle envergure à la galerie. On va essayer d'organiser une exposition de Marion Wagschal à Londres ou à Paris.»

Joe Battat a aussi exposé les oeuvres de John Ancheta au printemps et, en même temps, il l'a présenté à Milan, en Italie, avec l'artiste new-yorkais Stephen Talasnik. «Je suis Ancheta depuis trois ans, dit Joe Battat. L'idée est de suivre trois ou quatre artistes, pas plus. Je suis allé visiter des galeries contemporaines à Londres et à Paris, notamment, et je peux dire qu'on a une grande qualité d'oeuvres ici à Montréal mais on n'a pas encore de masse critique.»

Actuellement, Battat Contemporary propose les oeuvres de la collection de Joe Battat jusqu'au 14 août: Valerie Blass, Gustave Courbet, Stanley William Hayter, Dil Hildebrand, Jauran, William Kentridge, Thérèse Mastroiacovo, Alfred Pellan et Giovanni Battista Tiepolo. Joe Battat veut présenter des artistes québécois et faire venir des artistes étrangers.

Dans les prochains mois, il va exposer le travail de peinture, de sculpture et de dessin de Talasnik, de même que, l'hiver prochain, les oeuvres du photographe israélien Tomer Ganihar, qui a exposé à La Nouvelle-Orléans, Helsinki, Tel-Aviv, Copenhague et Venise.

Du mécénat moderne

«Ça prend un coup de foudre pour choisir qui présenter, dit-il. Ce n'est pas une question d'argent. Il faut amener un changement dans la façon de voir les oeuvres. Si on parvient à ce que les gens achètent des oeuvres pour les collectionner, ce sera un changement d'appréciation. Il faut avoir le courage de dire «je vais dépenser tant». Moi, c'est possible, mon affaire me permet de le faire.»

Joe Battat considère que son activité artistique est «du mécénat éclairé et moderne». «Je voulais faire autre chose que gagner de l'argent, dit-il. Et ce que je fais aujourd'hui est assez fascinant.»

Battat Contemporary, 7245, rue Alexandra, local 100