Courant d'idées qui a autant touché l'art que l'architecture ou le design au XXe siècle, le modernisme aura laissé une empreinte esthétique qui est loin de faire l'unanimité. Avec des projets extraordinairement variés, 10 artistes réunis au MACM en font une relecture.

Au finish, le modernisme aura-t-il été une forme de piège qui s'est refermé lentement, insidieusement, sur la société qu'il voulait servir?

 

Les 10 artistes réunis cet été au Musée d'art contemporain de Montréal (MACM) pour remettre en question et revisiter le modernisme dans le cadre de l'exposition Les lendemains d'hier, ne vont pas jusque-là. Mais à certains moments, c'est tout comme.

Mouvement artistique qui aura marqué le XXe siècle autant dans l'art que l'architecture, le design et même la littérature et la musique, le modernisme s'est caractérisé par ses lignes épurées et formelles, son caractère très fonctionnel destiné à servir toutes les classes.

«Le modernisme est fondé sur une croyance utopique du rôle possible de l'art dans la création d'un monde meilleur», résument les narrateurs du MACM dans la présentation de l'exposition.

Or, le succès n'a pas toujours été au rendez-vous. D'aucuns, à la suite d'une cohabitation plus ou moins longue, en auront au contraire retenu une impression de froidure, d'isolement, d'austérité, de sécheresse. Il y a aussi eu des succès (soyons honnête!).

Pour Les lendemains d'hier (quel excellent titre), le MACM a réuni des artistes québécois, canadiens et internationaux qui ont chacun revisité une oeuvre de facture moderniste. On retiendra le mot «revisité». Ici, chacune des oeuvres créées contient à la fois l'histoire d'un objet existant et la signification que l'auteur en fait.

Ainsi, l'artiste slovène Tobias Putrih propose une revue du projet «Cloud Nine» de l'architecte et designer Buckminster Fuller, bien connu chez nous pour la création de la Biosphère de l'Exposition universelle de 1967. Or, Fuller avait ce projet utopiste d'habitations en forme de sphères flottant au-dessus d'un lac suisse. Putrih met fortement en doute la viabilité de l'entreprise et nous le montre en construisant une structure sphérique qui a toutes les allures d'un ballon dégonflé.

Le photographe Arni Haraldsson s'est quant à lui intéressé aux ratés des projets d'habitations à loyer modique dessinés par l'architecte Ernö Goldfinger (qui, oui, a donné son nom à un personnage malfaisant dans la série James Bond). Les tours de Goldfinger, destinées à servir une classe de la population qui avait grandement besoin de logis, n'ont pas résisté au passage du temps, devenant malgré elles des lieux très mal entretenus.

L'expérience de Simon Starling est nettement plus réjouissante avec sa création de luminaires inspirés de la lampe originale de Poul Henningsen PH5 lancée en 1958. À partir d'objets (abat-jour, couvercles, woks) trouvés dans des bazars et recyclés, Starling propose une promenade sous une forêt suspendue totalement unique.

Dix artistes, dix façons différentes de relire le modernisme. Avec des méthodes variées: vidéos, peinture, sculpture, installations. Si l'ensemble est - forcément - inégal, il est toujours étonnant de constater à quel point la façon d'interpréter une idée, un courant, un objet, se multiplie à l'infini.

Les artistes, nous dit-on, portent un «regard sympathique» sur ce courant qui a connu ses «ratés» et «contradictions», mais qui a laissé son empreinte dans le «paysage culturel collectif». Sympathique? Peut-être. Nous dirions plutôt qu'il est sans complaisance.

David K. Ross

Les oeuvres de l'artiste québécois David K. Ross s'intéressent aux coulisses de l'art et de la muséologie. Par le passé, Ross a exploré à sa façon les lieux où sont exposées des oeuvres. Cette fois, il propose une étonnante et très réjouissante réflexion sur les caissons, contenants servant à transporter les oeuvres, notamment les tableaux.

Au Canada, chaque musée utilise des caissons de différentes couleurs (question d'identification) pour le transport d'oeuvres. Ross a eu l'idée de photographier de très près des caissons de différents musées. Il a agrandi les photos en format géant. Juste assez en fait pour que l'oeuvre puisse entrer dans son propre caisson.

Le résultat est spectaculaire. À l'entrée de la salle, le visiteur sera accroché par la texture, les couleurs vives, l'évocation de paysages vus du ciel que dégage chacune des photos.

On s'étonne de constater à quel point la différence est importante d'un caisson à l'autre. Ross fait ici oeuvre d'éducation. Cette exposition, aussi petite soit-elle, est une excellente façon d'introduire vos marmots à l'art contemporain.

Runa Islam

Nous laisserons à d'autres le soin de disséquer la signification profonde des cinq installations filmiques de la Britannique Runa Islam, qui constituent l'autre élément des trois expositions estivales du MACM.

Disons simplement que l'artiste est une vedette montante de l'art contemporain et qu'elle poursuit ici «une réflexion sur l'histoire du cinéma expérimental, abolissant trames narratives et représentations au profit d'explorations visuelles». Ouf!

>>>Les trois expositions sont présentées au MACM jusqu'au 6 septembre.