Les cinq tableaux, dont un Picasso, dérobés jeudi au Musée d'art moderne de la ville de Paris, lors d'un vol qui suscite des questions sur le système de sécurité, pourraient valoir quelque 200 millions d'euros selon des experts et restent à coup sûr invendables vu leur notoriété.

Tous les experts interrogés par l'AFP sont d'accord: «ces tableaux volés sont connus, répertoriés et ne pourront jamais aller sur le marché. Ils sont invendables».

«Souvent après le vol d'oeuvres très connues, on imagine que c'est commandité par un collectionneur fou mais rétrospectivement on se rend compte que ce n'était pas du tout le cas», explique ainsi à l'AFP Stéphane Théfo, officier de renseignement criminel de l'unité «oeuvres d'art» à Interpol.

Cinq tableaux de maître, de Pablo Picasso (Pigeon aux petits pois), Henri Matisse (La pastorale), Georges Braque (L'olivier près de l'Estaque), Fernand Léger (Nature morte, chandeliers) et Amedeo Modigliani (La femme à l'éventail) ont été volés dans la nuit de jeudi à vendredi, une personne s'étant introduite par une fenêtre du musée.

Côté surveillance, le maire de Paris Bertrand Delanoë a reconnu jeudi qu'un «dysfonctionnement partiel» du système d'alarme dans une partie du musée avait été constaté fin mars. Mais, vendredi, Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la Culture, a affirmé que ni la mairie, ni le directeur du musée n'en avaient été informés.

M. Girard a déploré que «malgré la présence de trois gardiens, une intrusion puisse se faire et qu'on puisse déjouer la vidéosurveillance». De source proche de l'enquête, ces images sont de qualité médiocre et difficilement exploitables.

Selon la mairie de Paris jeudi, «la valeur des toiles est estimée entre 90 et 100 millions d'euros».

«La somme de 100 millions d'euros me semble ridicule, même s'il est difficile de s'exprimer sans avoir vu les oeuvres. Les toiles volées sont des tableaux importants du début du XXe, de grands maîtres comme Picasso, Matisse ou Modigliani», a confié vendredi à l'AFP Agnès Sevestre-Bardé, experte en oeuvres d'art.

Ainsi, parmi les pièces dérobées, La Pastorale de Matisse (1905) est «un tableau très important de la période fauve de l'artiste», a-t-elle ajouté. La femme à l'éventail (1919) de Modigliani est un tableau «très connu et magnifique; rien que celui-là vaudrait au moins 20 millions d'euros, et sans doute beaucoup plus», a assuré l'experte.

Le Pigeon aux petits pois de Picasso, une toile cubiste de 1911, «correspond également à une période recherchée de l'artiste», a relevé Mme Sevestre-Bardé.

«Un Picasso de la période de celui volé jeudi atteint en général de 40 à 50 millions d'euros», a estimé vendredi un autre expert, Guy-Patrice Dauberville.

«Je dirais à peu près la même chose pour un Matisse. Et un Braque de 1906 comme L'Olivier près de l'Estaque n'en serait pas loin», a-t-il poursuivi.

«À la louche, la valeur de l'ensemble des tableaux volés tournerait autour de 200 millions d'euros, en étant très raisonnable», a-t-il ajouté.

Le patrimoine des musées n'est que très rarement assuré, sauf en cas de prêt, pour des raisons évidentes de limites budgétaires.

Et quand on parle de possible «chantage à l'assurance, c'est en fait de chantage à l'État, ou en l'espèce à la ville de Paris, qu'il faudrait parler puisque ce sont eux qui se portent garants des collections publiques», précise M. Dauberville.

Les cinq tableaux ont rejoint la base de données d'Interpol, qui recense près de 35 000 objets disparus, diffusée auprès des polices des 188 pays qui y adhèrent.