Dieu est partout, dit-on. Les vitraux de Guido Nincheri aussi. Dans les églises d'Amérique du Nord, du moins. Le profane l'apprendra cet été en visitant son studio qui, ô miracle, rouvre ses portes. Un projet qui pourrait devenir permanent. Allumons des lampions!

Près de 15 ans après sa fermeture, la lumière rejaillit de nouveau à l'intérieur de l'atelier du maître-verrier montréalais Guido Nincheri, dont les vitraux illuminent encore aujourd'hui quelque 200 édifices religieux d'Amérique du Nord.

 

Cette réouverture s'inscrit dans le cadre du projet de la Société des directeurs des musées montréalais de créer un événement estival sous un même thème, en l'occurrence Montréal ville de verre. À cette occasion, le studio Nincheri rouvrira tous les dimanches après-midi (sauf le 30 mai) d'ici la fin de la saison estivale.

Au 1832, boulevard Pie-IX dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, rien, ou si peu de choses ont changé depuis que l'atelier a fermé ses portes, en 1996.

Le long des pièces aux planchers bancals, qui s'enchaînent au rez-de-chaussée, une arôme de vieux bois rappelle que l'endroit a de l'âge. Sur les murs et les tablettes, les nombreux dessins, esquisses, reproductions de fresques, les pièces de verre dépolies, la table du four enduite de silice, les contenants de pinceaux et petites sculptures éparpillées ici et là évoquent quant à eux un endroit riche en histoire.

Au siècle dernier, dans ces pièces plutôt étroites et hautes de plafond, une poignée d'hommes s'activent à la conception d'énormes vitraux. Nincheri dessine les plans, traces les esquisses. Influencé par l'artiste italien Adolfo de Carolis, il multiplie les scènes religieuses colorées dont les personnages sont bien souvent inspirés de sa femme, de ses enfants, de prêtres et de politiciens. Souvent, le maître-verrier s'invite lui-même dans ses oeuvres.

Dans l'atelier, on s'active. On place les dessins dans un agrandisseur qui projette leurs lignes sur un mur. On prend des mesures, on coupe du verre. On applique les couleurs. On cuit le verre au four. Manipulées avec le plus grand soin, les pièces sont bien emballées avant de prendre la route, par train et parfois par autobus, aux quatre coins de l'Amérique.

«Des vitraux fabriqués ici sont installés dans des églises de neuf des dix provinces canadiennes, s'emballe Paul Labonne, directeur général du musée. Seule l'Alberta n'en possède pas. Nincheri a aussi décoré des églises dans six États de la Nouvelle-Angleterre.»

C'est Roger Nincheri, petit-fils de l'artiste, qui sert de guide durant les visites. «Mon grand-père était très religieux et son interprétation liturgique était formidable», dit-il.

En commençant par le château

Avant de visiter l'atelier, il faut passer par le Château Dufresne pour voir l'exposition Nincheri. Profane. Car si le nom du maître-verrier est pour toujours associé à une abondante iconographie religieuse, Nincheri a également signé des oeuvres profanes dont le château voisin du Stade olympique constitue le chef-lieu au Québec.

La relation entre les frères Dufresne et Nincheri est étroite, les premiers louant le rez-de-chaussée du 1832, boulevard Pie-IX au second avant de lui vendre l'édifice. Le loyer que paie Nincheri est substantiellement réduit en échange de quoi il peint des fresques dans l'édifice Dufresne. Et quelles fresques! Beaucoup de scènes tirées de la mythologie où l'influence des symbolistes et des préraphaélites nous rappellent que le Québec avait une ouverture d'esprit avant la Grande Noirceur.

STUDIO NINCHERI.

Visites les dimanches (sauf le 30 mai) jusqu'au 29 août à 13h et 15h. Réservations fortement recommandées. Renseignements: www.chateaudufresne.com.

 

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Vers un achat par le Château Dufresne

La réouverture au public de l'atelier de Nincheri pourrait être le préambule à une initiative permanente si le Château Dufresne réalise son projet d'acheter l'immeuble. Si l'idée se concrétise, l'atelier pourrait être alors réaménagé et devenir une annexe au château entièrement consacrée à Nincheri. L'atelier resterait tel quel au rez-de-chaussée alors qu'à l'étage, on aménagerait des salles d'exposition, d'archives et de conférence. «Affirmer que nous sommes intéressés à faire l'acquisition des lieux est un secret de Polichinelle, rigole Paul Labonne. Nous sommes en négociations avec la famille et espérons un dénouement sous peu.» Les négociations sont bien entamées. Sans entrer dans les détails, M. Labonne assure que des ministères sont engagés dans le dossier.