Les jungles mystérieuses du douanier Rousseau mais aussi ses tableaux apaisés de la banlieue parisienne sont au coeur d'une rétrospective organisée à Bâle par la Fondation Beyeler pour le centenaire de la mort de ce pionnier de l'art moderne.

L'originalité de l'exposition, organisée quatre ans après celle du Grand Palais à Paris, est de proposer des clins d'oeil et des mises en perspective, explique son commissaire Philippe Büttner.

Deux peintures de Portrait de femme sont ainsi exposées de telle façon que le visiteur puisse voir en même temps une toile de Picasso dans la salle voisine. Et les profondes jungles d'Henri Rousseau sont mises en perspective avec des palmiers dessinés par Matisse.

Joyeux farceurs qui représente deux singes semblant poser pour un photographe jouxte La noce, également figée dans l'attente du déclic et présentant le même schéma de composition.

On retrouvera côte à côte, pour les mêmes bonnes raisons, Forêt vierge au soleil couchant et Les joueurs de football, car le ballon rouge lancé dans les airs est semblable au soleil qui se couche.

La rétrospective mise aussi sur les oppositions. Une immense toile représentant la scène imaginaire et naïve d'un groupe de hauts dignitaires saluant la République fait face à un petit tableau réaliste et intimiste La carriole du père Junier.

Le sommet de l'exposition reste cependant les célèbres tableaux de jungle du peintre. Henri Rousseau n'avait jamais vu de forêt vierge, ce qui a permis à son imagination de se déployer d'autant plus librement. Le douanier, peintre à ses heures perdues, était fasciné par l'opposition entre le monde occidental civilisé et la nature sauvage telle qu'il l'imaginait.

Ses compositions picturales, souvent oniriques, incarnent la redécouverte de la fantaisie au début de l'époque moderne et son influence va au-delà de son image initiale d'artiste «charmant, mais quelque peu étrange et naïf». Picasso, Léger, Delaunay puis Kandinsky ont été les premiers à reconnaître son apport.

Le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand, qui a visité la Fondation samedi, s'est réjoui que la quasi-totalité des tableaux d'Henri Rousseau détenus par les musées français - soit 16 sur 18 - figurent parmi les oeuvres présentées.

M. Büttner a indiqué à l'AFP que la Fondation allait prêter en retour dix-sept oeuvres de Paul Klee pour une exposition qui doit ouvrir le 14 avril au musée de l'Orangerie à Paris.

Toutes les oeuvres aux cimaises de la Fondation bâloise ont été prêtées par des musées et de grandes collections particulières d'Europe et d'Amérique.

Une des oeuvres majeures exposée, Le lion ayant faim, se jette sur l'antilope, appartient à la Fondation Beyeler. Elle y voisine avec Surpris!, le premier tableau de jungle de Rousseau que l'on connaisse.

L'exposition, ouverte le 7 février se terminera le 9 mai, puis elle prendra le chemin du Musée Guggenheim de Bilbao pour y être présentée du 25 mai au 12 septembre.