Le Musée d'art contemporain accueille trois artistes dans la trentaine qui ont une chose en commun en plus de leurs liens avec l'Ouest canadien: Zack, Martineau et Dzama séduisent d'abord par leur savoir-faire, puis ils inquiètent par leur violence et, enfin, ils brouillent parfois nos esprits par leur perversion.

Le Montréalais Étienne Zack, qui a étudié une dizaine d'années à Vancouver, est tout entier dévoué à la peinture. C'est non seulement le matériau traditionnel qu'il utilise, c'est aussi l'unique sujet qu'il exploite. On trouve dans ses tableaux tout ce qui peut se trouver dans un atelier d'artiste ou dans la vie d'un artiste - pinceaux, pots de peinture renversés, boîtes en carton, ruban adhésif, tables encombrées, esquisses, morceaux de modèles en plâtre, projecteurs, mégots entassés, références à l'histoire de l'art. On trouve de tout, sauf l'ami peintre, à moins qu'il ne soit représenté là par les mains écrasées que l'on découvre en regardant les tableaux de plus près. Mais cet ensemble de choses peintes de manière assez réaliste semble souvent en mouvement, dans un univers sans repères, sans respect des règles de la perspective ni de l'échelle de grandeur. C'est un univers sombre, mais pas dépourvu d'humour, dégoulinant et parfois violent.Pour cette première exposition en solo d'Étienne Zack, le musée a rassemblé une vingtaine d'oeuvres réalisées au cours des six dernières années, dont deux tableaux immenses qui font penser, de loin, à ceux du peintre allemand, Jorg Immendorff (1945-2007), que l'on a déjà pu voir au même musée. Le jeune homme a déjà très bonne réputation, si l'on en juge par les collectionneurs qui ont prêté certaines de ses oeuvres au musée.

Formes informes

Il est aussi question d'histoire de l'art dans les oeuvres en feutre et en laine de Luanne Martineau, originaire de Saskatoon. Si l'artiste utilise les techniques de l'artisanat pour s'exprimer, on est loin ici de ce que l'on peut trouver au Salon des métiers d'art de Montréal. Luanne Martineau s'en prend, si l'on peut s'exprimer ainsi, à l'art moderne des années cinquante et aux théories qui le régissaient, en particulier celles de Clement Greenberg. On se retrouve donc devant des «tableaux» abstraits, ou pop, faits avec des matériaux associés à l'artisanat. Ou encore, on découvre, étendues par terre, des formes informes évoquant des animaux ou des humains écrasés, ou mis à plat, comme il fallait le faire quand le flatness en peinture était obligatoire pour les peintres dignes de ce nom. Le travail de cette femme est étonnant. On imagine qu'elle doit consacrer des heures à tricoter ou fricoter pour obtenir les formes qu'elle désire. Aussi bien des pièces longues comme des drapeaux officiels que des morceaux en boule qui poussent comme des champignons sur des surfaces plates.

Macabres découvertes

Marcel Dzama, originaire de Winnipeg, est le plus déroutant des trois artistes réunis au MAC. On pense d'abord avoir affaire à une oeuvre joyeuse, remplie de petits personnages légers qui s'envoient en l'air dans une série de dessins joyeux comme dans les livres illustrés pour enfants. Erreur! Ce joyeux petit monde est armé jusqu'aux dents. Les danseuses portent des cagoules et ont des fusils en main. Le sang coule quelque part. Quand ce n'est pas le sang, c'est le sperme, ou l'urine. Il y a plein de détails sado-maso dans ces petits dessins.

Marcel Dzama ne fait pas que dessiner. Il sculpte, fait des collages, des montages, des dioramas (mises en scène), des films. Le Musée présente un aperçu du travail de cet artiste dans différents domaines.

Il y a dans toute cette oeuvre (une soixantaine de pièces) une sorte de nostalgie pour l'art et l'iconographie des années vingt. On découvre en Dzama un fana de dada dans une série de collages, un fou de Marcel Duchamp dont il copie la vitrine dans A Red Box for Marcel ou dont il reprend le Étant donnés, cette porte dotée d'un oeil que Duchamp a créée pour le musée de Pittsburgh.

Les dioramas mettent en scène des Pinocchio - des menteurs - en série, ou encore un ensemble de soldats, fusils en l'air, tirant sur des oiseaux rouges, rouges comme le sang qui coule de quelques têtes décapitées.

Étienne Zack, Luanne Martineau et Marcel Dzama au Musée d'art contemporain, jusqu'au 25 avril. Ouvert du mardi au dimanche, de 11h à 17h; les mercredis, de 11h à 21h.