Un Phénicien perspicace l'a «découvert» il y a plus de 3000 ans en notant que, fondu sous l'effet de la chaleur, le sable donnait ce matériau malléable et transparent que les Romains appelleront plus tard vitrum. Et ils inventeront toutes sortes de techniques pour le travailler, à des fins artistiques, pratiques et, bien sûr, de transparence impériale.

Au Moyen Âge, des artistes européens commencèrent à en faire des vitraux et les opticiens, des scientifiques qui ne portaient pas encore ce nom, des lentilles de correction pour lecteurs myopes. Puis vinrent les vitres pour fenêtres, les bouteilles et La Ménagerie de verre de Tennessee Williams.

Depuis des siècles, le verre est partout, tellement qu'on ne le voit plus. Avec la conséquence qu'on le connaît encore mal. Carences que corrigera certainement Montréal, ville de verre, lancé hier au Centre des sciences de Montréal. Où il est né, un peu, car c'est Benoît Légaré, passionné de verre et directeur du lieu, qui a suggéré à ses collègues de la Société des directeurs des musées montréalais l'idée d'un projet multidisciplinaire sur le thème du verre. C'était en 2005.

Prenant «la balle au vol», Manon Blanchette, la directrice de la SDMM, a ratissé la ville pour convaincre ses collègues - «l'étape la plus difficile», dit-elle - et élaborer un montage financier et une programmation qui s'étend sur 10 mois. Ainsi, jusqu'à la fin de 2010, 41 organisations montréalaises - maisons de la culture, galeries et 24 des 34 musées montréalais - auront le verre en partage. Pour le décliner selon toutes ses facettes dans l'art, l'architecture, l'histoire et la science.

Sauf erreur, c'est la plus vaste programmation mono-thématique jamais offerte aux Montréalais (voir www.villedeverre.com). Et qui de mieux pour lancer le tout que l'un des plus grands maîtres de l'art verrier de l'histoire: Louis Comfort Tiffany (1848-1933). Du 12 février au 2 mai, le Musée des beaux-arts présente le verre selon Tiffany: la couleur en fusion, qui présente 180 oeuvres - et pas juste des lampes - du célèbre créateur américain.

En mai, le Centre des sciences du Vieux-Port - 300 000 visiteurs par année, dont la moitié sont des écoliers - inaugurera l'expo SiO2, ce bon vieux dioxyde de silicium qui compterait pour 60 % de la croûte terrestre. On ne risque pas de manquer de vitre demain, mais ce n'est pas une raison pour ne pas mettre nos bouteilles à la récu (le verre est recyclable à l'infini). Parlant de bouteilles, celle de notre enfance, la bouteille de lait que le laitier laissait sur le perron, sera au centre de l'exposition La run de lait, présentée au Musée du fier monde à compter de mars.

Entre-temps, ceux qui veulent vraiment voir «comment ils font ça» - les souffleurs de verre et autres artistes - pourront se rendre à l'Espace Verre (espaceverre.qc.ca), le centre nerveux de cette impressionnante manifestation. Dont le clou pourrait bien être ce défilé de mode, le 29 mai au Centre des sciences où Philippe Dubuc et Laura Donnefer présenteront les créations de 15 tandems designers/artistes-verriers.

Une nouvelle mode verrière? Des pantalons vert-bouteille? des jupes rigides et transparentes? des chemisiers cassants? Qui vivra verra.