Un drame vieux de 70 ans connaîtra son dénouement le 3 février prochain à Londres. Un tableau de Gustav Klimt, représentant une église sur une rive du lac de Garde à Cassone en Italie, sera vendu aux enchères par la maison Sotheby's et la moitié des recettes seront remises à Georges Jorisch, un Montréalais d'origine autrichienne de 81 ans. «Mon père se souvient d'avoir vu le tableau dans la maison de sa grand-mère quand il était petit», explique Stéphane Jorisch, le fils de Georges qui a émigré à Montréal dans les années 50. Il habite à Dorval et est devenu gérant d'un magasin de photographie.

«Le tableau avait été peint par Klimt pour mon arrière-grand-oncle, Viktor Zuckerkandl, qui à sa mort l'a légué à sa soeur, ma grand-mère, parce que lui-même n'avait pas d'enfant, poursuit-il. Mon père l'a vu pour la dernière fois en 1938, lors de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne. Il se souvient des tanks allemands qui sont entrés dans Vienne à ce moment.»

Pour la petite histoire, Georges et son père ont passé la guerre cachés à Bruxelles, alors que sa mère et sa soeur étaient déportées dans un ghetto juif en Pologne. Les biens de la famille Jorisch ont été cachés dans un entrepôt. Mais à la fin de la guerre, on avait perdu la trace des tableaux hérités de Viktor Zuckerkandl. La toile Église à Cassone (Paysage aux Cyprès) de Klimt a refait surface en 1962 dans une exposition à Graz, en Autriche, en l'honneur du 100e anniversaire de naissance du peintre.

Stéphane Jorisch ne veut pas dévoiler la durée et la teneur des pourparlers ayant mené à la vente aux enchères de février, se limitant à dire que son père aura la moitié du prix de vente et le propriétaire actuel, l'autre moitié. Sotheby's estime que le tableau se vendra entre 12 et 18 millions de livres (soit entre 20 et 30 millions de dollars canadiens).

Le fait que le tableau soit exposé à Londres pour les enchères est en soi une victoire pour Georges Jorisch. «Il a été peint juste avant la Grande Guerre, quand l'Autriche-Hongrie existait encore, dit Stéphane Jorisch. Pour mon père, il est important de donner au monde un témoignage de cette époque.»