Degas, Picasso, Courbet. Les noms de ces grands peintres, trésors de la culture française et européenne, ont été associés ces dernières semaines à plusieurs affaires retentissantes de vol d'oeuvres d'art en France, l'un des pays au monde les plus visés par les malfaiteurs.

Les enquêteurs français spécialisés concentrent, ces jours-ci, une bonne partie de leur énergie sur un scandale qui a éclaté au sein même de l'une des plus célèbres salles des ventes de Paris, Drouot. C'est un dossier «extrêmement rare», a jugé auprès de l'AFP Stéphane Gauffeny, chef de cette unité d'enquêteurs.

Un tableau de Gustave Courbet, Paysage marin sous ciel d'orage, volé en région parisienne en 2004, a été retrouvé début décembre. Un réseau de complicités internes, en particulier parmi les manutentionnaires de la salle des ventes, aurait permis de le subtiliser.

Le journal Le Parisien révélait lundi que cette enquête avait aussi permis de récupérer une gouache de Marc Chagall.

«C'est vraiment un travail passionnant, plein d'émotion», confie Stéphane Gauffeny, un colonel de gendarmerie. Depuis Noël, deux grosses affaires sont venues s'ajouter à la liste des enquêtes que doivent mener ces policiers spécialisés.

Le 31 décembre, Les choristes, un tableau d'Edgar Degas prêté au musée Cantini de Marseille, a été dérobé en douceur. L'oeuvre, estimée à 800 000 euros, avait été prêtée par le musée parisien d'Orsay, célèbre pour ses expositions de peintres impressionnistes.

Trois jours plus tard, le 2 janvier, c'est une trentaine de tableaux de maîtres, parmi lesquels des Picasso et des Douanier Rousseau, dont la valeur totale pourrait atteindre un million d'euros, qui étaient emportés, lors du cambriolage d'une maison, dans le sud-est de la France.

En juin 2009, un vol particulièrement audacieux avait eu lieu au musée Picasso à Paris: un carnet de 33 dessins au crayon signés de l'artiste et datant de 1917-1924, estimé à quelque trois millions d'euros, y avait été dérobé.

Selon l'organisation policière internationale Interpol, la France est avec l'Italie le pays le plus touché par les vols d'oeuvres d'art et d'antiquités dans le monde.

En 2008, ces vols s'élevaient à environ 2000, selon M. Gauffeny, chef de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), qui souligne toutefois que ce chiffre a nettement reculé depuis dix ans, notamment grâce au durcissement des peines encourues par les malfaiteurs.

Selon Aline Le Visage, de la société privée Art Loss Register, qui répertorie les objets volés, si ces délits baissent de manière générale, en revanche «on constate une hausse des vols chez les privés mais également dans les galeries».

Didier Rykner, rédacteur en chef de la revue spécialisée La Tribune de l'Art, souligne également que les vols menacent davantage les lieux mal surveillés comme les églises, qui recèlent parfois des trésors.

«Le problème des vols est plus sérieux dans les églises que dans les musées. Il y a des oeuvres importantes dans des églises et elles sont moins bien gardées», relève-t-il, notant aussi que plus l'oeuvre est importante, plus elle est difficile à écouler.

Selon la police, les oeuvres d'art majeures sont généralement revendues à l'étranger, souvent dans les pays voisins, parfois aux États-Unis et au Japon, où elles sont rarement retrouvées. Les objets de moindre valeur restent la plupart du temps en France, où les trafiquants attendent quelques années avant de les écouler.