Antonio Mazza souffre de maladie mentale. Depuis plus de 15 ans, il s'exprime par d'étranges dessins d'enfants, qui mélangent l'humour et le macabre. Son oeuvre singulière fait aujourd'hui l'objet d'une rétrospective à la galerie Les Impatients, qui se spécialise dans l'art brut. Parce qu'il était absent à son propre vernissage, La Presse n'a pu le rencontrer. Mais le commissaire de l'exposition, Éric Mattson, parle en son nom. Portrait d'un excentrique malgré lui.

La Presse _ M. Mattson, comment décrire le travail d'Antonio Mazza?

Eric Mattson _ De l'art naïf. Ses dessins parlent du quotidien qui l'entoure. De la vie dans son quartier. De la visite à Harvey's. Ou à l'église. Mais tout cela passe à travers un filtre pas tout à fait classique. On sent qu'il y a un monde en arrière. Ses personnages ont de drôles de configurations. Les membres sont trop longs ou trop courts. Les gestuelles sont bizarres. Et puis il y a par-dessus ça toutes sortes de choses étranges. Des araignées, des serpents, des objets contondants, couteaux, seringues. Des choses plus dangereuses.

 

LP _ Essaie-t-il de nous dire quelque chose?

EM _ Le dessin permet d'évacuer la souffrance. L'agression permanente. Certains de ses dessins évoquent des hôpitaux psychiatriques, des salles de folie. Il a conscience de sa maladie, du milieu dans lequel il est. Mais en même temps, quand on lui dit que ses dessins sont durs, il dit que c'est pour faire de l'humour. Je ne crois pas qu'il ait l'idée de nous communiquer quoi que ce soit. Ce sont des histoires qu'il se raconte à lui-même. Ça le fait rire.

LP _ Vous lui consacrez une rétrospective. Doit-on conclure qu'il a une oeuvre?

EM _ Sans aucun doute. Et elle mérite l'attention. D'une part, parce qu'il a bâti à travers toutes ces années un lexique très singulier d'objets, d'animaux et de gens. D'autre part, parce qu'il y a une constance dans son travail depuis 1992. C'est là, à mon avis, où il y a oeuvre. Qu'est-ce qu'un artiste sinon quelqu'un qui regarde le monde et qui le retransmets aux autres à travers sa propre grille d'interprétation? Sa signature individuelle a énormément de force. Cela dit, il n'a pas conscience d'être un artiste. C'est donc de l'art brut dans sa forme la plus pure.

LP _ Est-ce que M. Mazza fait autre chose dans la vie?

EM _ Antonio souffre d'un trouble de comportement compulsif. Je sais qu'il marche. Beaucoup. C'est vraiment étonnant d'ailleurs de marcher avec lui. C'est du sport. Il observe tout. Il a tout un système. Il fait de l'exercice. Il contourne les bouches d'égout. Il contourne les arbres. Il n'y a pas de ligne droite. Comme ses dessins...

ANTONIO MAZZA, Le quotidien, les écritures. Jusqu'au 18 décembre aux Impatients. 100, rue Sherbrooke Est, 4e étage.