Son coeur bat devant le Musée des beaux-arts de Montréal. En vérité, deux de ses sculptures en forme de coeur, rouges. Un autre coeur, beaucoup plus gros, de couleur turquoise, monte la garde à l'entrée du domaine de Guy Laliberté, à Saint-Bruno. À 74 ans, Jim Dine, l'un des derniers artistes « pop « toujours vivants, met encore beaucoup de coeur dans son labeur.

Jim Dine, artiste new-yorkais dont les oeuvres se retrouvent dans les grands musées du monde, était de passage à Montréal cette semaine pour assister au vernissage de l'exposition que lui consacre la Galerie de Bellefeuille, rue Greene, dans Westmount. Il s'agirait de la première exposition solo de Dine dans une galerie privée canadienne. Non pas que ses oeuvres n'aient jamais été offertes dans les galeries qui en avaient fait l'acquisition pour les revendre (marché secondaire, nous a-t-on expliqué), mais elles sont ici pour la première fois exposées par un galeriste qui représente l'artiste (marché primaire).

 

Quand un artiste est «pop», ça ne veut pas dire qu'il est léger, ou superficiel, même si le symbole du coeur, le motif le plus répandu sur la Terre, est sa marque de commerce. Il faut voir ce qu'il advient du motif parmi la trentaine d'oeuvres rassemblées par Jacques et Helen Bellefeuille.

L'exposition compte quelques sculptures et peintures récentes, mais surtout beaucoup de grandes gravures, dont plusieurs sont déjà vendues. Jim Dine fut « pop « avant Andy Warhol et Lichtenstein - c'est-à-dire qu'il intégrait déjà, avant que les autres n'entrent en scène, des objets du quotidien dans ses oeuvres. Si le coeur est le motif qui lui est le plus associé, Dine en a exploité d'autres. Le peignoir, par exemple, symbole de l'autoportrait selon l'artiste, la « Vénus « de Milo (référence à l'art) ou encore Pinocchio.

Et pourquoi Pinocchio, avons-nous demandé au jeune homme qui accueille les visiteurs à l'entrée, Hugues Charboneau, visiblement passionné par l'oeuvre de Jim Dine ? « Parce qu'il est une métaphore de l'art, dit-il. Voilà un pantin sculpté par un vieux monsieur qui tente de lui donner vie, comme un artiste cherche à faire vivre son oeuvre. Et Pinocchio est un menteur, comme toute oeuvre d'art est un mensonge.»

Jim Dine a une feuille de route impressionnante. Quelque 3000 oeuvres en 40 ans de carrière : sculptures, peintures, gravures, montages, dessins, performances, photos, décors, design, poésie... Il est l'auteur, avec Oldenburg, du premier « happening « à la fin des années 50, forme d'art intégré proche du théâtre, et il fit partie du groupe Fluxus, un mouvement d'artistes européens et américains néo-dada des années 60, qui ont fait table rase des notions traditionnelles de l'art et tenté l'intégration des arts entre eux, et avec la vie. Yoko Ono et le musicien John Cage faisaient partie de ce groupe. Si Jim Dine fut un pionnier de l'art contemporain, il est aujourd'hui un artiste toujours aussi curieux et prolifique.

La Galerie de Bellefeuille, logée sur quatre étages dans un vieil édifice en pierre, compte une douzaine d'employés. Elle est l'une des deux ou trois plus importantes galeries privées à Montréal. Jacques Bellefeuille est particulièrement fier d'accueillir chez lui Jim Dine qu'il « courtise « depuis une trentaine d'années, dit-il. Il semble qu'il y ait, à Montréal et dans les environs, des collectionneurs intéressés par l'oeuvre de Dine, et qui ont aussi les moyens d'acquérir ce qu'ils désirent.

Jim Dine à la Galerie de Bellefeuille, 1367, avenue Greene. Jusqu'au 7 octobre. Ouvert du lundi au samedi, de 10 h à 18 h ; le dimanche de 12 h à 17 h 30. Infos : www.debellefeuille.com