Grâce à un don important, le Musée des beaux-arts de Montréal inaugure aujourd'hui le Centre des arts graphiques, où il présente la première rétrospective canadienne du graveur français Érik Desmazières jusqu'au 3 janvier 2010.

La venue à Montréal du fantastique - au propre et figuré - graveur français Érik Desmazières est une petite perle dans cette rentrée très chargée en arts visuels. Le Musée des beaux-arts présente une soixantaine de ses oeuvres réalisées en 35 ans de carrière.

Les gravures de Desmazières ont été exposées partout dans le monde et font partie de collections d'institutions prestigieuses comme le British Museum et le Metropolitan de New York. L'artiste n'en est qu'à sa troisième visite à Montréal.

Si le MBAM peut exposer ces gravures, c'est grâce à un don des Montréalais Freda et Irwin Browns, qui lui a permis d'ouvrir le Centre des arts graphiques. En plus de Desmazières, le Musée présente Le peintre comme graveur, estampes impressionnistes, une exposition du Musée des beaux-arts du Canada.

Né en 1948, Érik Desmazières est un oiseau rare dans le milieu de la gravure. Inspirée des maîtres anciens, Piranèse et Callot entres autres, une bonne partie de sa production est un voyage vers un imaginaire mystérieux, entre réalité et fiction, passé et futur.

«Je suis venu très tard à la réalité, explique l'artiste à La Presse. Ce que je fais, c'est un peu la suite des dessins que je faisais enfant. Mon imaginaire n'est pas inspiré de lectures, ou très peu. Ce sont plutôt des histoires que je me raconte à moi-même.»

Les «récits» de Desmazières sont multiples. Parfois ils occupent toute la surface, comme La tentation de saint Antoine, mais à d'autres moments ce ne sont que de petits indices, comme dans sa sublime Tour de Babel.

Même ses dessins d'édifices recréés ou étirés nous racontent ces lieux, tentent d'en saisir l'essence, en noir et blanc, dans un espace pictural sursaturé.

«L'espace et la perspective sont très importants. Dans mes images, il y a un peu la peur du vide. J'ai souvent le goût de remplir la page. Je ne peux m'en cacher.»

Sa façon de travailler fascine autant que les univers fantastiques qu'il propose. Elle lève le voile sur les profondeurs de champ qu'il exploite si bien.

«C'est comme de l'écriture automatique. Je dessine sans y penser. Je le revois plus tard et ça me donne l'idée d'un autre dessin, et ainsi de suite. La gravure arrive comme ultime étape après, parfois, 10 ans de mûrissement.»

Desmazières dessine des endroits qui lui sont familiers. Il ne les prend presque jamais en photo, mais préfère visiter et revisiter les lieux afin de les faire siens et de les restituer. Atelier René Tazé V, par exemple, représente le lieu de travail de son ancien imprimeur.

«C'est un endroit où je me suis souvent retrouvé à attendre, à regarder. Pendant 30 ans, j'ai dessiné cet atelier, qui n'existe plus maintenant», raconte-t-il.

Peut-on pour autant parler d'une oeuvre nostalgique?

«Peut-être, mais j'ai surtout le désir de fixer quelque chose qui disparaît ou risque de disparaître, comme cet antiquaire qui allait fermer pour lequel j'ai été pris d'une frénésie, d'un désir très violent de faire quelque chose.»

Son imaginaire peut causer vertiges et haussements de sourcils, mais cette réaction n'est pas voulue par l'artiste. Les amateurs de science-fiction et de fantastique pourront même y déceler des filiations avec des oeuvres de genre.

Érik Desmazières confie qu'il s'est vu ailleurs, au cinéma notamment, mais après tout, l'inspiration est pour lui aussi un mystère dont il est sage de ne point divulguer les nombreux méandres.

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Le monde fantastique d'Érik Desmazières, au Musée des beaux-arts de Montréal, jusqu'au 3 janvier 2010. Entrée libre.