Où peut-on trouver un bureau portatif sur roues, une fontaine baroque, un dessin de la mer en 3D, 40 arbres artificiels aux couleurs pastel? Dans les bois de Val-David. Jusqu'au 27 septembre.

Depuis 1995, Les Jardins du précambrien, aménagés dans la forêt autour de la maison de l'artiste René Derouin, accueillent des oeuvres éphémères inspirées des lieux, oeuvres dites in situ. Cette année, la responsabilité de l'exposition, qui fait appel à 11 artistes du Québec, du Canada, des États-Unis et de Cuba, a été confiée à Pascale Beaudet.

«Je me suis inspirée du travail de René Derouin sur le territoire, nous a-t-elle dit. Il faut savoir que cette forêt est jeune (une quarantaine d'années). Quand Derouin a fait l'acquisition des terres, il s'agissait d'un pâturage. Les arbres qui sont là ont été plantés par l'artiste.» Une forêt traversée par des sentiers et marquée par diverses interventions, à l'avant-garde de l'art et de l'écologie. Elle est, pour Pascale Beaudet, une forêt à la fois naturelle et culturelle.

Le thème rassembleur du 10e Symposium international d'art in situ: «Chemins et tracés». On peut bien donner un thème ou deux à des artistes, il en sortira toujours quelque chose d'inattendu. Ainsi, ce monsieur tout de lin vêtu, portant un canotier, que fait-il donc devant son bureau installé en pleine forêt? Il s'appelle Daniel Olson. Il a tout ce qu'il faut autour de lui, un espace de rangement, un espace bar, une petite machine à écrire. Au moment de notre passage, il a écrit un message à notre intention, à la machine, sur une feuille jaune. «Un jour, vous allez mourir.» Ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit pareil message en se promenant dans les bois.

Comme si ce n'était pas assez, voilà que surgit devant nous, au hasard d'un sentier, une grosse fontaine comme on en trouve sur les places publiques. Fontaine avec volutes et angelots comme à la Renaissance, mais aussi dotée de grosses têtes de cerfs dignes des cabanes de bûcheron de nos ancêtres. L'eau est faite de morceaux de miroir collés qui reflètent le ciel et les arbres. Une belle fontaine kitsch en plein bois. Regard et tain est une oeuvre coquine (et socialement critique) de Marc Dulude.

Ailleurs, ce qui attend le visiteur ressemble à une frontière en fil de fer. «Sept kilomètres de deux sortes de fils», précise la commissaire avec qui nous faisons le parcours. Des fils tissés les uns aux autres pour dessiner des vagues. «Cela représente la mer», explique Pascale Beaudet. La mer, pour nous, c'est les vacances, mais pour l'artiste cubain Duvier Del Dago, c'est aussi une frontière difficile à traverser. Cela s'appelle d'ailleurs Châteaux en Espagne.

Un arbre peut en cacher un autre, qui n'en est pas un. C'est ce qu'on découvre avec les arbres artificiels de Lyndal Osborne. L'artiste a planté ses faux arbres parmi les vrais. Ce sont des poteaux bien droits, qui portent des motifs de camouflage inusités: des détails de photos de plantes d'un pionnier de la photo, l'Allemand Karl Blossfeldt (1865-1932). Mais ça, on l'apprend si on fait une visite guidée, ou en consultant le dépliant donné aux visiteurs.

Dépliant fort utile par ailleurs pour comprendre certaines oeuvres. Comme cet ensemble de drapeaux de différentes couleurs accrochés aux arbres, qui correspondent aux familles génétiques auxquelles nous, humains, appartenons tous (Genetic Markers, de Xavier Cortada). Il y a des installations qui se livrent d'elles-mêmes, comme le Paysage gigogne, de Maude Léonard-Contant, une serre qui évoque les palais de glace et dans laquelle de vraies mousses sont cultivées. Au coeur de la serre, une autre, en miniature, cette fois tapissée de faux gazon vert phosphorescent.

Choisissez un beau week-end, si possible, pour visiter les Jardins du précambrien. Et armez-vous de citronnelle pour vous promener dans ces bois où s'entremêlent la nature et la culture. Et où la poésie, celle d'Hélène Monette, a sa place, de même que la musique, celle d'Yves Daoust.

Outre les installations in situ, les symposiums de la Fondation Derouin sont aussi l'occasion de rencontres avec les artistes, de conférences, d'ateliers et autres activités dont on peut prendre connaissance en visitant le site www.jardinsduprecambrien.com.

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«Chemins et tracés», 10e Symposium international d'art in situ, jusqu'au 27 septembre. Ouvert du mercredi au dimanche, de 10 h à 18 h. Entrée (adultes): 8 $. 1301, montée Gagnon, Val-David.