Inviter des gens ordinaires sur un piédestal, est-ce de l'art? Un débat faisait rage la semaine dernière à Trafalgar Square entre de parfaits inconnus à propos de One & Other, un projet controversé du sculpteur anglais Antony Gormley, qui se tient jusqu'à la mi-octobre.

Entre la statue de Nelson et la National Gallery, un socle de marbre était occupé par Stephen Day, informaticien et «statue vivante» pour une heure.

Depuis le 6 juillet, des personnes se succèdent sur le piédestal, où elles font ce qu'elles veulent pendant 60 minutes. La rotation se fait 24 heures sur 24 devant les touristes et les pigeons de Trafalgar Square.

Plus de 26 000 Britanniques ont posé leur candidature pour obtenir une des 2400 cases horaires. «J'espère démontrer la diversité de la Grande-Bretagne», a répété Antony Gormley aux médias, avant le lancement.

En principe, tout peut arriver.

Jusqu'à présent, l'excentricité a été au rendez-vous, mais aussi la simplicité. Un homme s'est coupé les cheveux, un autre a lancé des balles de tennis dans la foule, plusieurs se sont costumés et beaucoup ont fait... rien du tout.

Mardi dernier, Stephen Day lançait des friandises autour de lui, au grand plaisir des enfants qui levaient les bras. Avant de monter sur le piédestal, M. Day a dit à La Presse: «À mon avis, l'art n'a pas de définition.»

Avant lui, une participante de 22 ans, Davina Coburn, posait comme une Marilyn Monroe gothique dans une robe glamour.

«C'est énervant là-haut! Mais je voulais me sentir comme une célébrité. Dans 20 ans, je serai fière d'avoir fait ça», a dit l'étudiante de Northampton.

Cet «art-réalité» ne fait toutefois pas l'unanimité. Des chroniqueurs ont reproché une certaine vacuité à One&Other. «Les participants, comme les observateurs, trouvent le temps long. C'est comme l'émission Britain's Got Talent, mais sans le talent», a écrit Tim Lott, journaliste et auteur, dans The Independent dimanche dernier.

Discussions sur l'art

D'ailleurs, des piétons ne se sont pas gênés pour chahuter Stephen Day alors qu'il était assis sur le bord du socle.

«Divertis-nous!» a crié une dame blonde.

«Il pourrait faire mieux que ça», a dit Jo Hill avant de s'éloigner.

Mike White, un Londonien dans la cinquantaine, en remet: «Tu crois que c'est de l'art, ça? Tu vas survivre, là-haut?», crie-t-il, moqueur.

Un débat passionné éclate entre Mike White et deux passants.

«Le fait que nous discutions de la valeur de cette oeuvre, c'est de l'art en soi», dit Tom Bacon, étudiant en art.

«Désolé, mais on ne fait pas de l'art, on discute», répond M. White.

Au bout de cinq minutes animées, les débatteurs se séparent.

Le but de One&Other n'est pas de divertir, soutient Sandy Nairne, directeur de la National Portrait Gallery. «Quoique Antony Gormley espère probablement que les participants tenteront de faire quelque chose de pas très légal», dit-il en entrevue téléphonique.

Martine Rouleau, professeure d'art contemporain à Londres, lui reconnaît un caractère très British. «L'important, c'est que cette oeuvre crée un espace de discussion», dit la Québécoise.

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Les internautes peuvent suivre en direct ce qui se passe sur le socle à www.oneandother.co.uk