Le Centre canadien d'architecture profite du centième anniversaire du Manifeste du futurisme pour présenter une exposition sur la vitesse... et ses limites. Il montre à quel point depuis une centaine d'années, l'augmentation de la vitesse sur les routes, dans la construction, au bureau et même dans nos cuisines, a changé nos vies. Pour le pire, et le meilleur.

«La splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse», écrit le peintre italien Marinetti dans son manifeste publié en février 1909 à la une du Figaro (dont on trouve copie au CCA). Il y exalte le «mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing...»

 

Il n'y pas d'exaltation de la vitesse dans l'exposition du CCA, mais plutôt une série de questions soulevées par ce phénomène culturel qui a littéralement «changé le paysage», transformé le sens des mots, modifié le rythme de nos vies, apporté de nouveaux signes de représentation, mais aussi de nouvelles maladies, et suscité plein d'inventions bonnes et moins bonnes.

Pour réaliser cet exploit qui consiste à exposer «la vitesse», les organisateurs ont recours à différents médias: extraits de documentaires, vidéos, photos, archives, affiches, dessins d'architecte, revues, objets divers (y compris des médicaments contre l'insomnie...) présentés dans des installations au design impressionnant. Ils ont aussi recours au texte, il y en a, en grosses lettres noires sur fond blanc jusqu'au plafond. Très important, le texte dans ce genre d'exposition qui s'intéresse à des phénomènes de culture et d'éthique. C'est par le texte que l'on comprend à quel point les mots vitesse, trafic et accident ont changé de sens en 100 ans. Un accident, autrefois, signifiait quelque chose qui arrive fortuitement, d'heureux ou de malheureux. Il n'y avait pas d'heure de pointe ou de congestion dans le sens du mot trafic. La vitesse était la rapidité d'exécution d'un acte et n'entraînait pas d'amende pour qui exagérait.

Cinq thèmes

L'exposition s'articule autour de cinq thèmes: la construction rapide, l'efficience, la capture de mouvement et la mesure (belle collection de réveille-matin anciens et de calculateurs de toutes sortes), la relation entre le corps et l'esprit (là où l'on retrouve les médicaments).

Parmi les moments forts de l'exposition, il y a cette installation formant un cercle presque complet où se trouvent neuf écrans sur lesquels une voiture de course file à toute allure dans chacune des neuf villes représentées. L'idée est empruntée à un documentaire de Claude Lelouch, filmé en temps réel par une caméra placée sur l'aile d'une voiture traversant Paris à 235 km/h.

Sur le thème de la construction rapide, on peut voir des séquences photographiques de la construction de la tour Eiffel et de la Irving Trust à New York. Mais aussi des extraits de documentaires sur la destruction, en quelques minutes, d'édifices désuets qui s'écrasent sur eux-mêmes à la manière des tours jumelles de New York en 2001. La construction de plus en plus rapide mènera aux maisons préfabriquées. On nous en montre les premiers modèles.

La volonté d'être de plus en plus rapide va avec celle d'être de plus en plus efficace. Après les usines et les bureaux, ce désir finira par s'exprimer dans nos cuisines qui seront de mieux en mieux organisées pour sauver du temps. Les extraits de films des années 50 montrant la mère au tablier s'activant autour de sa cuisinière moderne pendant que papa lit son journal et que les enfants jouent sur le tapis, font sourire. Aujourd'hui, il se peut que maman lise pendant que papa cuisine.

Enfin, la vitesse ne fait pas que des victimes de la route et de l'environnement. Il semble bien qu'elle soit en relation directe avec les problèmes modernes de dépression et d'insomnie. Vite, à vos pilules courez! La course est bonne pour la santé.

 

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La vitesse et ses limites, exposition du commissaire Jeffrey T. Schnapp du Standford Humanities Lab, en collaboration avec le CCA et la Wolfsonian-Florida International University, présentée au Centre canadien d'architecture, 1920, rue Baile, jusqu'au 12 octobre. Entrée: 10$. www.cca.qc.ca