Dragon, sirène, sasquatch, licorne, kraken, cyclope. Provenant des quatre coins du monde, ces Créatures légendaires se sont donné rendez-vous au Musée canadien des civilisations (MCC), où ils ont élu domicile jusqu'au 20 septembre prochain.

«Le public n'a pas besoin de connaissances de base pour apprécier cette exposition puisque ces créatures relèvent non pas de la réalité, mais bien de l'imagination de l'homme. Il n'y a donc pas de bonne ou de mauvaise façon de les aborder, ni de bonne ou mauvaise histoire à raconter sur elles. La seule limite, c'est notre propre imagination!» souligne dans un sourire la conservatrice de l'ethnologie du MCC, Nicholette Prince.

 

«Tout ce qui peut être imaginé est réel». La citation de Pablo Picasso orne le mur d'entrée de l'exposition à quelques centimètres de la tête de l'imposant dragon de cinq mètres qui accueille les visiteurs de sa bouille plutôt sympathique. Créatures légendaires lui donnent raison, puisque l'humain a toujours su incarner ses peurs, ses rêves et ses espoirs dans des bêtes tour à tour monstrueuses et bienveillantes, au fil du temps. D'un continent à l'autre, d'un siècle à l'autre aussi, l'homme a multiplié les légendes et les mythes donnant vie à ces multiples créatures pour rendre compte de ce qu'il ne pouvait comprendre ou de ce qu'il croyait avoir vu. Le public est donc invité à faire sauter sur les vagues une école de dauphins afin de «voir» un serpent de mer chevauchant les flots. Grâce au «mythoscope», les visiteurs pourront aussi voir une sirène se transposer sur le corps d'un lamantin, suspendu au plafond. Voilà qui peut expliquer comment les histoires de sirènes se sont propagées de l'Europe vers l'Afrique puis vers les Caraïbes, au gré des voyages des marins et des commerçants. Et qu'un certain P.T. Barnum n'a pas hésité à greffer une tête et un torse de singe à une queue de poisson pour faire de sa sirène feejee l'attraction principale de son cirque, dans les années 1840 -et l'un des plus célèbres canulars du genre.

Et si le kraken, qui salue les visiteurs de ses immenses bras tentaculaires, avait été imaginé après qu'un marin eut observé un calmar géant? À observer l'impressionnant tentacule d'un calmar géant exposé juste à côté du fameux kraken, on peut certes comprendre d'où est probablement partie la légende!

Et si le mythe entourant les fameux cyclopes était né après qu'un homme eut découvert, en Sicile, le crâne d'un éléphant nain, dont la cavité centrale (celle de la trompe) pouvait, pour quiconque n'avait jamais vu de pachyderme, étrangement ressembler au crâne d'un géant possédant un seul oeil?

Et si on mangeait des kappa maki (des rouleaux aux concombres) parce que les Japonaises protégeaient leurs enfants en donnant du concombre au kappa, petite créature à tête de singe munie d'un bec et affublée de mains et de pieds palmés, d'une peau verte et écailleuse et d'une carapace de tortue?

Tour du monde

Les férus d'histoire naturelle et d'ethnologie trouveront leur compte: l'exposition propose un tour du monde, plongeant dans les abysses marins, volant à tire-d'aile dans les airs et s'ancrant les deux pieds sur terre. Le visiteur croisera une jolie licorne et un énorme gigantopithèque poilu, roc tout ailé et serres déployées. La légende veut que Kubilaï Khan ait offert une plume de cet oiseau des Mille et une nuits à Marco Polo, plume qui n'aurait peut-être été en fait qu'une feuille de palmier raphia...

Auprès de ces spectaculaires modèles créés par des professionnels du milieu cinématographique, objets, cartes, oeuvres d'art, masques et reproductions donnent un aperçu de l'évolution, de la transmission et de la répartition de ces nombreuses créatures dans le monde. Ici, le Pégase grec côtoie l'oiseau Garuda et le serpent Nâga -les ennemis de l'hindouisme et du bouddhisme-, le gobelin japonais, appelé tengu, le serpent à plumes aztèque, voire l'énorme aepyornis malgache -qui rappelle l'autruche, en format géant-, une espèce disparue depuis les années 1500.

Contenu canadien

Créatures légendaires donne aussi l'occasion de plonger dans la culture des Premières Nations canadiennes et de se familiariser avec des figures d'ici peut-être moins connues et qui font pourtant partie intégrante de la vision du monde des premiers peuples, dont la puissante déesse marine inuite Sedna. Car le loch Ness, en Écosse, abrite peut-être sa Nessie, le lac Okanagan de la Colombie-Britannique cache lui aussi son monstre marin, Ogopogo, dont le cousin vivrait dans les eaux du lac Memphrémagog. Le yéti tibétain -aussi connu sous le nom d'abominable homme des neiges- a plusieurs frères sur la planète, notamment le sasquatch des forêts de l'Ouest canadien. Ce dernier est même devenu l'une des trois sympathiques mascottes des Jeux olympiques d'hiver de Vancouver, nommé Quatchi, aux côtés de Miga, mi-ourse de mer mi-orque, et Sumi, avec ses ailes d'Oiseau-Tonnerre, ses pattes d'ours noir et son chapeau d'orque. Les trois peluches ont trouvé leur place, aux côtés des dragons venus d'Orient et d'Europe.

D'aucuns s'étonneront peut-être qu'une telle exposition prenne l'affiche au Musée canadien des civilisations. Si le sujet en est plus léger que celui des précédentes expositions estivales sur les manuscrits de la mer Morte, sur Pétra, la Chine ou la Grèce, il n'en demeure pas moins un reflet des sociétés qui ont mis au monde ces créatures, soutient le président de la Société du MCC, Victor Rabinovitch.

«Ces créatures sont révélatrices de tout ce qui anime les peuples qui leur ont donné vie dans leur imaginaire, que ce soit leurs plus grandes craintes ou leurs plus grandes aspirations», renchérit M. Rabinovitch.

Créatures légendaires - Dragons, licornes et sirènes, au Musée canadien des civilisations (100, rue Laurier, à Gatineau), jusqu'au 20 septembre.