Qu'ont en commun les Yvon Chassé, Rose Lafleur, Serge Lemoine (sic), et Éric Lamontagne? Tout. Et rien. Ils font partie de la dizaine d'artistes réunis à la maison de la culture Frontenac dans Cabanisme, une exposition pleine de faux mouvements.

On met un certain temps avant de comprendre, écouteurs aux oreilles, que l'on se fait avoir.

Le discours sérieux que l'on entend sur le cabanisme, mouvement qui aurait été fondé par Yvon Chassé dans les années 60, est tellement plausible, truffé des clichés habituels sur l'art contemporain, que l'on se dit qu'ils ont peut-être bien existé, et Chassé, et son mouvement qui fait penser au vrai mouvement ti-pop des mêmes années fondé entre autres par l'ancien directeur du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée des beaux-arts du Canada, Pierre Théberge.

Les explications qui nous sont données pour chaque artiste et chaque tableau dans cette exposition sont, elles aussi, presque crédibles. Tout est plausible, donc, mais rien n'est vrai. Et toutes les oeuvres exposées, à deux exceptions près, sont réalisées par un seul et même artiste dont nous tairons le nom pour le punir, en fait pour jouer le jeu. Il y a toujours des artistes oubliés dans les critiques d'expositions collectives.

Commençons par les tableaux de chasse d'Yvon Chassé, fondateur du cabanisme, mouvement qui regroupe des artistes «en quête d'authenticité (qui) s'inspirent de la culture populaire québécoise tout en l'intégrant dans la modernité».

Sur fond de chemises à carreaux dont chaque détail est peint à la main, on y trouve, chez l'un, une tête d'orignal, chez l'autre, une boîte de sirop d'érable (Americanisse), sur laquelle tout est écrit en anglais, et chez un troisième, un hommage à Mondrian.

Une gravure signée «Lemoine» aux couleurs bleu, blanc, rouge, fait voir une série de boîtes de conserve de sauce pour poutine Habitant, reproduites à la manière des soupes Campbell d'Andy Warhol.

Dans d'autres tableaux, les cabanes traditionnelles plantées dans des décors défraîchis par le progrès, sont peintes à la manière de Clarence Gagnon ou Krieghoff. La Nature très très morte de Rose Lafleur sur fond de tapisserie fleurie encadre une «nature morte» à l'ancienne composée d'un pot de beurre d'arachide et autres produits transformés... Et ainsi de suite.

Quand l'artiste change de nom, il change aussi de style. Et il le fait très sérieusement. Le discours qui décrit les démarches de chacun est tout aussi sérieux et cohérent. Prenons cet autre exemple, cette fois de «land art». Désenchamptement est le titre d'une photo aérienne où l'on voit le motif de la cabane découpé par tondaison dans un champ. Cet acte vise à «détruire une partie d'une production agricole de la région de Saint-Hyacinthe qui utilise des fertilisants...» C'est signé Infraterrestre.

Et derrière toute cette «montagne» de noms farfelus d'artistes (il y a aussi Marie-Soleil Bordeleau et ses couchers de soleil, Pierre Laroche...) ou de noms empruntés à d'autres (s'y retrouve un Zillon avec deux LL) se cache un homme qui s'amuse sérieusement avec l'art et son histoire. Vous trouverez son nom cité dans le premier paragraphe du présent article. C'est le nom de celui dont nous n'avons pas parlé tout en parlant exclusivement de lui.

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Cabanisme, Perspective sur un mouvement méconnu, jusqu'au 6 juin, à la maison de la culture Frontenac, 2550, rue Ontario Est (métro Frontenac). Entrée libre. Ouvert du mardi au jeudi, de midi à 19 h; vendredi et samedi, de midi à 17 h.