De loin, on dirait des portraits ou des scènes faites à l'aquarelle ou au pastel. De près, on ne sait plus de quoi il s'agit. Thomas Corriveau a plus d'un tour dans son sac. Il s'empare d'images médiatisées et s'y fait une place. C'est un drôle de pirate.

Au début de sa carrière, il y a une vingtaine d'années, Thomas Corriveau fabriquait de nouvelles images à partir de nombreux petits morceaux de corps découpés dans les magazines. Il fallait parfois se placer à un endroit précis dans la galerie pour saisir l'anamorphose. C'était déjà du piratage. Aujourd'hui, il continue de pirater. Mais par ordinateur où l'on trouve de tout, y compris les outils nécessaires pour découper les images et les transformer. Thomas Corriveau se sert de tout cela, mais ne se laisse pas faire du tout.

 

Au moment de notre passage à la galerie Graff, Corriveau était sur place. Le plaisir qu'il avait à expliquer sa manière de faire était contagieux. «C'est comme si je voulais entrer dans l'ordinateur, mettre ma main à l'intérieur, et laisser ma marque...», dit-il. La série d'Autofictions qu'il présente est faite, en grande partie, d'images «volées» à quelques tableaux célèbres ou à des photos des médias, où son propre visage vient trouver sa place. «J'insinue mon propre portrait dans des images empruntées à des tableaux comme celui-là, de Munch, intitulé Autoportrait: Entre l'horloge et le lit. Mon visage a pris la place de celui de Munch. Mais comme le couvre-lit de ce tableau a beaucoup inspiré Jasper Johns, (célèbre peintre américain) j'ai donné une touche Jasper Johns au tableau de Munch...»

On retrouve la tête de Corriveau dans une scène de noyade, dans un tableau de Goya où il prend la place d'un mannequin lancé en l'air par des femmes, devant son miroir en train de se raser, en boxeur, en pêcheur, en chien, ou encore à la place de Bob Dylan sur une pochette de disque usée, et même dans un avis de décès annonçant sa mort pour le 13 novembre 2008, jour du vernissage de cette exposition.

Et chaque fois devant ces images, on pense qu'il s'agit de dessins à l'aquarelle ou au pastel, ou de peintures ou encore, de sérigraphies. Elles sont pleines de touches, de lignes, de traits, qui leur donnent un caractère nerveux, électrique.

En résumé, Corriveau fait d'abord un dessin au plomb en noir et blanc à partir des images volées et des photographies qu'il a prises de lui-même. Puis il redonne ce dessin à l'ordinateur à plusieurs reprises de manière à avoir les couches de couleurs nécessaires. Pour chaque étape, il intervient manuellement, souvent avec du crayon feutre sur de l'acétate. Il soumet aussi ses images à différentes grilles géométriques, souvent concentriques. Puis il fait imprimer et agrandir les images obtenues. Les images ont différents formats et sont imprimées sur des supports qui diffèrent aussi les uns des autres. Chacune pourrait être imprimée à un nombre infini d'exemplaires, mais il n'en tire qu'un seul. «Pour moi, ce sont des tableaux, dit-il. Ils doivent être uniques.» Et ils le sont, uniques, dans les deux sens du terme.

Pour un nouvel Atelier Frère Jérôme

Les Religieux de Sainte-Croix et la Galerie d'art Gala présentent une exposition consacrée au Frère Jérôme, ce religieux étonnant qui exerça une certaine influence «libératrice» sur plusieurs artistes québécois attirés par les cours d'art qu'il donnait au Collège Notre-Dame. Entre autres, Diane Dufresne et Raoul Duguay. Jérôme Paradis (1902-1994) pratiquait la libération par la peinture gestuelle - il était proche de Borduas et des signataires de Refus global - tout en conservant sa vocation de religieux.

L'exposition rassemble 25 toiles et une centaine de dessins et se poursuivra jusqu'au 19 décembre. Les visiteurs sont invités à participer à un encan silencieux pour recueillir des fonds destinés au réaménagement du dernier local occupé par l'artiste en un nouvel atelier. Cet atelier servira aux élèves de 4e et 5e années du Collège Notre-Dame à compter de l'automne 2009. Il portera le nom du Frère Jérôme.

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Thomas Corriveau, Autofictions, jusqu'au 20 décembre à la galerie Graff, 963, rue Rachel est. Entrée libre. Ouvert du mercredi au vendredi de 11 h à 18 h, samedi, de 12 h à 17 h. Frère Jérôme, Je reviens chez nous, à la Galerie d'art Gala, 5157, boulevard Saint-Laurent. Jusqu'au 19 décembre.