Un des plus grands génies de la peinture du début du XXe siècle avec Picasso, le Français Georges Braque a droit pour la première fois à une vaste rétrospective de son oeuvre en Autriche, 45 ans après sa mort, avec une exposition ouverte jeudi à Vienne jusqu'au 1er mars 2009.

«Il n'y a pas de musée Braque et ses tableaux sont éparpillés aux quatre coins du monde, cela nous a pris deux ans à les trouver dans des grands musées mais aussi chez beaucoup de particuliers», a souligné la directrice du musée Kunstforum Bank Austria, Ingried Brugger, devant la presse.

Les plus de 80 tableaux exposés, assurés pour 400 millions d'euros, ont été prêtés par des institutions de renom comme notamment le Museum of Modern Art de New York, le Guggenheim et la Tate Galery de Londres, mais surtout par des propriétaires amateurs d'art anonymes qui «protégeaient jusque là jalousement leurs trésors», selon Mme Brugger.

Né le 13 mai 1882 à Argenteuil-sur-Seine dans une famille de peintres-décorateurs en bâtiment, Georges Braque suit leurs traces dans un apprentissage avant d'entrer à l'École des beaux-arts de Paris.

Inspiré par Cézanne, ses premiers paysages de L'Estaque et de La Ciotat, en 1906 et 1907, à l'entrée de l'exposition affichent des couleurs gaies, pures et le trait reste gros et spontané.

Après sa découverte des Demoiselles d'Avignon de Picasso en 1909 dans une galerie où l'a emmené le poète Guillaume Apollinaire, Braque opte pour une nouvelle vision de la peinture en cherchant à rendre les trois dimensions des objets vus par l'oeil sur ses toiles.

S'ensuivent cinq ans de coopération intense entre Braque et Picasso qui lancent la phase analytique du cubisme en privilégiant les couleurs monochromes et l'éclatement des formes.

Ils passent ensemble l'été 1911 à Céret. «On se voyait tous les jours et on parlait beaucoup. On comparait nos réflexions, nos tableaux et nos techniques, et nous n'étions pas toujours d'accord mais c'était gratifiant pour les deux. Notre amitié reposait sur l'indépendance ce chacun», a résumé Braque.

La coopération devint si intense que les deux peintres refusèrent un moment de signer leurs oeuvres, ce qui créé encore aujourd'hui parfois la confusion, selon la commissaire de l'exposition de Vienne, Heike Eipeldauer.

En 1912, profitant d'une absence d'un mois de Picasso, toujours très friand de nouvelles techniques, Braque expérimente seul le papier collé, après avoir trouvé dans un magasin de décoration du papier peint «faux bois».

Avec quelques traits au fusain et une feuille de ce papier peint couleur bois Georges Braque compose alors ses tableaux d'instruments de musique comme La Guitare (1912-1913) épuré mais très suggestif.

À son retour Picasso est emballé et adopte la nouvelle technique immédiatement.

Par d'autres collages d'extraits de journaux sur des esquisses de guéridons, Georges Braque fait entrer l'actualité dans ses toiles.

En 1914, il est enrôlé dans l'armée française. Son ami Picasso, de nationalité espagnole, y échappe.

Blessé grièvement à la tête Braque ne peint plus jusqu'en 1917. Mais cette période dramatique ne filtre pas dans ses oeuvres. «Il n'en parlait jamais, il a digéré cette période dans son fort intérieur et est resté un homme de l'harmonie et de la beauté», a souligné Caroline Messensee, seconde commissaire de l'exposition.

Pendant plus d'un quart de siècle le peintre se spécialise alors dans les natures mortes, ustensiles de cuisine, fruits, verres, bouteilles tout en développant une fascination pour les perspectives inattendues «pour atteindre la plénitude des choses» selon lui et en expérimentant l'ajout de sable, plâtre et autres matières dans ses toiles.

Seul peintre dont une oeuvre est exposée au Louvre de son vivant - le plafond de la salle des Étrusques - Georges Braque meurt le 31 août 1963. Le ministre de la Culture de l'époque, André Malraux, lui organisa des funérailles nationales.