Le Musée d'art contemporain de Montréal présente jusqu'au 11 janvier Sympathy for the Devil, une exposition provenant de Chicago sur les liens qui unissent l'art et le rock&roll. La présentation comprend 130 oeuvres de 65 artistes et collectifs. Même si elle évoque rapidement le pape du pop art, Andy Warhol, en vedette présentement au Musée des beaux-arts de Montréal, l'expo du Mac s'étend sur une plus longue période, de 1967 à 2007.

Il est rare d'assister à une exposition d'art contemporain dans un musée qui colle autant à la peau d'un conservateur comme celle qu'a préparée Dominic Molon, d'abord pour le Museum of Contemporary Art de Chicago l'automne dernier, et jusqu'au 11 janvier 2009 au MAC.

 

«Je suis devenu conservateur beaucoup en raison du rock et de groupes qui ont élevé le rock à des sommets sophistiqués», affirme-t-il.

Le jeune homme dit adorer l'installation que le MAC a fait de son travail, somme toute, très réfléchi. Il a voulu éviter, soutient-il, de poser un regard superficiel sur les liens entre la musique et les arts visuels.

«C'est amusant de faire une présentation sérieuse sur le rock à une époque où la musique rock semble n'être devenue qu'une parodie d'elle-même. Oui, il y a une certaine part de nostalgie dans cette exposition.»

Malgré cette aura de paradis perdu, hallucinogènes ou non!, la présentation comprend une large part d'oeuvres récentes, des 10 dernières années, contrairement à ce que l'on pourrait croire.

«L'esprit du rock est toujours présent de nos jours, croit-il. Mais c'est aussi dû au fait qu'il a fallu passablement de temps à cette musique pour se fondre complètement dans notre culture. Plusieurs des artistes présentés sont nés dans les années 60-70 et ont grandi avec le rock. Pour d'autres, c'est le dialogue qu'ils entretiennent avec la culture populaire qui les relie à la musique.»

Cet échange prend souvent le chemin de la critique et de la dénonciation. Les oeuvres présentées amusent, surprennent, mais font réfléchir aussi.

«Le rock a toujours eu une attitude de provocation, dit-il. Il a longtemps échappé aux structures commerciales. Quand j'étais jeune, je courais tout ce qu'il y avait d'étiquettes indépendantes et de groupes obscurs. C'est presque une mentalité.»

Il a beaucoup pensé aux visiteurs en planifiant cette présentation, tentant de joindre deux clientèles bien distinctes.

«Le but était, entre autres, d'amener, à travers le rock, un autre public à l'art contemporain. Aussi, un musée est ouvert à tous et peut pousser l'auditoire vers la musique. Cette exposition se veut un dialogue entre ces publics.»

Il aurait aimé y inclure plus d'oeuvres et de musiques, d'autres artistes aussi. Mais le catalogue de l'exposition va là où, justement, le temps et les moyens ont manqué. Il s'agit d'un compendium très impressionnant sur les liens entre le rock et les arts visuels.

«Tellement que j'ai dû me détacher un peu du rock après ce travail, soupire-t-il. Je me suis mis à écouter beaucoup plus de musique... classique!»

Un pacte avec le diable

Après le Musée des beaux-arts avec Warhol Live, voici que le Musée d'art contemporain se laisse, lui aussi, tenter par le diable de la musique et vend son âme au rock.

L'occasion était trop belle. La chanson des Rolling Stones, d'où vient le titre de la présentation, fait parler le démonPlease to meet you, hope you guess my name comme un être de «richesse et de bon goût», un tombeur rusé, mais courtois.

«C'est l'art qui séduit, mais qui prend des risques. C'est une énergie, un danger, un côté allumé», décrit Dominic Molon au sujet des oeuvres présentes dans l'exposition qu'il avait proposée l'an dernier au Museum of Contemporary Art de Chicago.

Le conservateur du MCA souligne que le parcours ne suit pas de thématique précise, mais s'attache plutôt à six espaces différents où la musique et les arts visuels entretiennent un dialogue fécond depuis 40 ans: New York, le Royaume-Uni, l'Europe continentale, le Midwest américain, la côte ouest nord-américaine et le reste du monde. «La sensibilité des lieux et des artistes eux-mêmes m'intéressaient davantage» raconte M. Molon, même s'il reconnaît que les thèmes de la provocation, la sexualité, la mythomanie rock, le commerce et la culture populaire reviennent dans plusieurs présentations.

Les arts nés au XXe siècle y sont prédominants:la photographie d'abord, mais aussi la vidéo et quelques installations. La proposition se complète de nombreux dessins, ainsi que de quelques peintures et sculptures.

New York

L'exposition présente plusieurs screen tests d'Andy Warhol montrant notamment Nico, Lou Reed et John Cale. Mais le regard du visiteur sera attiré, avec raison, par trois portraits monumentaux de Robert Longo et les photos de Richard Prince.

New York, c'est aussi Christian Marclay, qui fera l'objet d'une présentation à la Fondation DHC en novembre, et son plancher de 33 tours, où le visiteur s'amusera à débusquer les titres québécois des Pauline Julien, Harmonium et cie.

Royaume-Uni

Les écoles d'art anglaises ont longtemps encouragé les échanges entre musiciens et plasticiens. À elles seules, des oeuvres spectaculaires de Jim Lambie, Pinball Wizard et The Byrds, représentent un point saillant de ce parcours muséal.

Europe continentale

Les Européens n'ont pas échappé à la muse rock & roll, les Allemands, notamment. Les artistes ayant émergé dans les années 80 et 90 y sont surtout représentés.

Côte ouest nord-américaine

Avec l'océan, ses plages et le soleil. la côte Ouest a fricoté longtemps et de façons variées avec le rock. Les dessins de Raymond Pettibon, Mark Flores et de Dave Muller valent le détour. Mais l'installation de Jason Rhoades, Velvet Underground/Perfect World, mérite une attention toute particulière.

Midwest américain

Le conservateur Dominic Molon nous fait connaître ici des artistes comme Melanie Schiff et Tony Tassett. Et on a aussi droit à deux huiles de l'incontournable Ed Paschke, décédé en 2004.

Reste du monde

Pas en reste du tout, les artistes Yoshimoto Nara, du Japon, Daniel Guzman, du Mexique, et le collectif brésilien assume vivid astro focus en font voir de toutes les couleurs, dont le noir et blanc. Éminemment ludique.

Activités connexes

Plusieurs vidéos sont éparpillées dans l'exposition, mais le musée offre également une longue liste d'actitivés culturelles. Dans l'une des salles, d'abord, se dresse un studio d'enregistrement fonctionnel. Les musiciens intéressés peuvent y jouer à condition de réserver leur place sur l'internet.

Le MAC en profite également pour projeter les 10 épisodes de la magnifique série de Time-Life intitulée The History of Rock & Roll. Enfin, le film de Jean-Luc Godard sur les Rolling Stones, Sympathy for the Devil, est présenté tous les vendredis.

Sympathy for the Devil: art et rock and roll depuis 1967, au Musée d'art contemporain, jusqu'au 11 janvier 2009.

Montréal Rock et roule

Les institutions d'arts visuels montréalaises sont à l'avant-garde de la réalisation de Montréal comme métropole culturelle. Le Musée d'art contemporain, le Musée des beaux-arts et la Fondation DHC pour l'art contemporain présentent tous les trois des expositions internationales autour du rock cet automne.

Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd à Tourisme Montréal. Cette première valait bien une campagne promotionnelle à elle seule: Montréal, l'art du rock. Les représentants des trois expositions étaient au MoMa à New York il y a deux semaines pour rencontrer les médias. Ils iront également à Toronto.

Il s'agit d'une campagne promotionnelle d'envergure pour Tourisme Montréal, qui vise plusieurs publications en Amérique du Nord, au Canada, mais surtout aux États-Unis. L'organisme propose aux visiteurs des itinéraires qui mêlent habilement art, musique et activités diverses à Montréal, toutes reliées de près ou de loin à l'esprit rock. Ainsi, en plus des visites muséales, les visiteurs sont invités à aller flâner avenue du Mont-Royal ou boulevard Saint-Laurent.

Plusieurs restos, magasins et boutiques, dans quelques quartiers visés, profitent ainsi de l'offre muséale montréalaise: Farfelu, L'Échange, Beatnik, Rétromania, Anton & James, sans oublier le Hard Rock Cafe, Ex-Centris, La Paryse et L'île noire.

À l'école du rock 

Oubliez le joli visage et la télévision. Geneviève Borne a du rock dans le sang. L'ancienne VJ de MusiquePlus, pendant huit ans, est porte-parole de l'exposition Sympathy for the Devil. Une figure connue chargée de séduire ceux pour qui le MAC reste méconnu.

«C'est une exposition qui a énormément d'envergure, fait-elle. Je m'y sens à la fois comme dans un magasin de bonbons et à l'école du rock.» Les musiciens de ce genre musical ont toujours été déifiés et l'exposition le rappelle. L'ex cover-girl a d'ailleurs tout d'une groupie, l'esprit critique en plus. Elle s'est beaucoup intéressée à une oeuvre de Christian Marclay comportant des dizaines de microsillons collés au plancher du musée.

«Ça ne me fait rien de marcher sur les disques de Reo Speedwagon ou de l'acteur de la série télé Miami Vice, Don Johnson, qui a osé commettre un disque, mais j'hésite à le faire sur Neil Young et je refuse de toucher aux disques de Led Zeppelin», dit-elle. Elle souligne l'omniprésence de Neil Young dans la proposition du MAC, en disques, pochettes et affiches. C'est relié à sa grande intégrité d'artiste et à un cheminement sans faille, selon elle.

«Le point le plus intéressant, poursuit-elle, c'est le lien entre les musiciens et les artistes visuels contemporains. Cela a commencé avec les pochettes de disques et les vidéoclips, les films et les affiches. Après, les artistes visuels ont été carrément inspirés par des chansons, des textes. Ils se sont retrouvés dans une musique qui est à la fois violente, sexy, revendicatrice. Les musiciens de rock expriment souvent le mal de vivre, la contestation.»

Comme quoi le rock n'est peut-être pas mort ou qu'il peut encore servir. L'animatrice dit retrouver dans ce parcours muséal les vraies sources de l'inspiration des artistes visuels.

«C'est ludique et physique, dit-elle. C'est un voyage aussi, parfait pour les passionnés d'art et de musique. Même si on ne connaît pas tous les musiciens ou les artistes visuels, ce sont des oeuvres fortes qui vont intéresser tout le monde. «