Près de 20 % du budget québécois alloué à la culture ira à Télé-Québec, qui recevra 101 millions au cours des cinq prochaines années afin de « réaffirmer son rôle en programmation jeunesse et culturelle ». Le gouvernement fera aussi largement la promotion du contenu culturel numérique.

Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, avait déjà exprimé son parti pris pour la relève et l’importance pour les jeunes d’être initiés à la culture québécoise dès leur plus jeune âge. Avec les mesures mises de l’avant dans le nouveau budget déposé mardi, il passe de la parole aux actes.

Sur un budget total de 561 millions d’ici 2027-2028, Télé-Québec recevra une enveloppe de 101 millions au cours des cinq prochaines années pour « proposer une offre originale et renouvelée ». La présidente-directrice générale de Télé-Québec, Marie Collin, s’est dite heureuse de l’annonce, qui survient « après plusieurs années de représentations ».

Concrètement, Mme Collin aimerait fidéliser les jeunes de 9 à 14 ans, en allant les chercher « là où ils se trouvent ». Elle a notamment l’intention de créer des « contenus courts » sur les réseaux sociaux, question de les titiller juste assez pour les amener vers des contenus plus longs.

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La présidente-directrice générale de Télé-Québec, Marie Collin

« Ce qu’on doit faire, c’est créer du volume, poursuit Marie Collin. On doit créer beaucoup de contenus dans lesquels les jeunes vont se reconnaître. On ne peut pas miser sur un Passe-Partout, il va nous falloir plusieurs Passe-Partout pour différents groupes d’âge. Pour occuper l’espace numérique. »

Mme Collin estime que les quelque 20 millions par année additionnels iront en grande partie aux producteurs indépendants, qui créeront ces contenus.

Le gouvernement encourage également la relève musicale et des arts de la scène en fournissant une somme de 16,8 millions sur cinq ans au Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. Grâce à cette aide, le Conservatoire pourra notamment accueillir « 1000 étudiants en musique par année », peut-on lire dans le document budgétaire.

Feu vert aux contenus numériques

Autre objectif du gouvernement : promouvoir le contenu culturel sur les plateformes numériques. Québec investira 95 millions dans ce secteur, notamment pour soutenir les entreprises du secteur de la créativité numérique, assurer une présence en ligne des contenus culturels québécois et promouvoir la culture sur les marchés étrangers.

Un passeport culturel numérique sera également mis à la disposition des jeunes afin de les mettre directement en contact avec l’offre culturelle québécoise. Une somme de 4,2 millions sur deux ans sera investie pour leur permettre d’avoir accès à « des biens et services culturels » à un coût minimal.

Une aide au secteur des médias est également prévue ; on parle de 13,3 millions au cours des cinq prochaines années.

Québec donne aussi un coup de pouce à l’industrie du livre, « qui fait face à une augmentation de 30 % de ses coûts de production », lit-on dans le plan budgétaire. Les maisons d’édition recevront un crédit d’impôt de 35 % (en hausse de 7 %) et pourront déduire 65 % de leurs dépenses liées à la main-d’œuvre « pour les frais préparatoires et d’édition en version numérique ».

Au total, on parle d’une aide de 5,5 millions sur cinq ans destinée à environ 90 maisons d’édition.

Enfin, la promotion et la valorisation de la langue française font aussi partie des priorités du gouvernement, qui compte investir 88 millions, faisant passer le budget total réservé à la culture et à la langue française à 649 millions.

La fin de l’aide COVID-19 ?

Mardi soir, le milieu des arts vivants en était encore à décortiquer le budget d’Eric Girard et à multiplier les appels pour savoir plus concrètement de quelle manière le gouvernement allait continuer à le soutenir.

Chose certaine, l’aide à la billetterie mise en place à l’automne 2020 pour compenser la perte de revenus en raison des directives de la Santé publique pendant la pandémie (en remboursant jusqu’à 75 % des revenus de billetterie) sera progressivement abandonnée sur une période de trois ans, selon nos informations.

« Le gouvernement est plus en mode transition qu’en mode de relance », constate David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU, qui regroupe 350 salles de spectacles au Québec. « Honnêtement, on ne sait pas précisément comment le gouvernement va nous soutenir. »

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Le président de RIDEAU, David Laferrière

Un briefing avec le secteur des arts vivants est prévu mercredi avec le cabinet du ministère de la Culture et des Communications justement pour faire le point sur les différentes mesures les concernant.

« C’est sûr que nous, ce qu’on demande depuis longtemps, c’est plus de prévisibilité, poursuit David Laferrière. Par exemple, on aurait aimé que les sommes consenties par le Ministère l’an dernier pour pallier la pénurie de main-d’œuvre soient renouvelées, ce qui ne semble pas être le cas. »

De son côté, Patrick Kearney, directeur artistique du festival Santa Teresa et président du Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants (REFRAIN), s’est dit heureux de savoir que le programme Festival/Évènement du ministère du Tourisme allait être renouvelé – on parle de 30 millions par année pour les trois prochaines années.

Par contre, il se dit inquiet de voir l’aide fédérale se tarir, Patrimoine canadien ayant laissé entendre qu’il mettrait fin à ses programmes d’aide des trois dernières années. On en saura plus lors du dépôt du budget fédéral, le 28 mars.

Enfin, il n’y a aucune mention du projet des Espaces bleus, ces lieux culturels qui doivent être aménagés dans des bâtiments patrimoniaux dans toutes les régions administratives du Québec.

La somme initiale que le gouvernement devait investir pour les 18 projets était de 259 millions, mais une enquête du quotidien Le Soleil a permis d’apprendre qu’une somme de 153 millions serait nécessaire pour aménager seulement quatre de ces lieux. On s’attend donc à ce que le budget consacré aux Espaces bleus soit revu à la hausse.

Enfin, le gouvernement a annoncé que le rôle de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) sera accru. Une somme de 200 millions lui sera versée pour jouer son nouveau rôle. Une annonce détaillée du ministre Lacombe sera faite prochainement.