C’est donc un député de l’Outaouais, Mathieu Lacombe, ex-ministre de la Famille, qui succède à Nathalie Roy à la tête du ministère de la Culture et des Communications. Les intervenants du milieu culturel souhaitent que leur nouveau ministre poursuive l’approche « consultative » de Mme Roy.

« On accueille la nomination de M. Lacombe avec enthousiasme, nous dit David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU, qui regroupe 350 salles de spectacles au Québec. C’est une belle surprise. D’autant plus que c’est à sa demande qu’il serait passé à la Culture et qu’on nous dit qu’il fréquente les arts vivants. »

David Laferrière souhaite poursuivre le travail entamé avec Mme Roy, « qui a saisi les enjeux du milieu culturel ». Mais on a « beaucoup de défis à relever », souligne-t-il toutefois, notamment à cause de l’inflation galopante et du risque de récession.

Parmi ces défis, il mentionne la pénurie et la rétention de la main-d’œuvre, ainsi que le financement des mesures d’aide au fonctionnement des organismes culturels, dont les sommes sont « nettement insuffisantes ». Le retour du public dans les salles est également un enjeu de taille. Les mesures d’aide à la billetterie viennent à échéance au mois de mars 2023. « Il faudra réévaluer tout ça dans les prochains mois », indique-t-il.

Ramener le public dans les salles

Michel Sabourin, porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec (ASSIQ) et président du Club Soda, abonde dans son sens.

« La pandémie a éloigné le public de nos salles, déplore-t-il. Et la solution n’est pas d’augmenter le prix des produits culturels. »

Les jeunes sortent moins, ils écoutent plus de musique anglophone. On sent que le ciment culturel est en train de s’effriter. Je crois que ce sera le principal défi du nouveau ministre, trouver les moyens de reconquérir notre public.

Michel Sabourin, porte-parole de l’ASSIQ et président du Club Soda

M. Sabourin estime par ailleurs que la pandémie a rapproché les différents organismes culturels comme la SODEC et le Ministère de l’ensemble du milieu.

« On a été beaucoup en communication avec le cabinet du Ministère, ça a mobilisé le milieu, et c’est tout à l’honneur de la ministre Roy. J’ai participé à d’innombrables rencontres avec eux. Je crois qu’il faut continuer à communiquer de cette façon et se serrer les coudes parce que le milieu culturel est aujourd’hui extrêmement fragilisé. »

La présidente de l’Union des artistes, Sophie Prégent, accueille elle aussi « favorablement » la nomination de M. Lacombe, qui est le sixième ministre de la Culture depuis qu’elle préside le syndicat professionnel, soit depuis neuf ans. « J’ai beaucoup apprécié le travail réalisé par Mme Roy, et je lui souhaite un mandat aussi fort et aussi long. »

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Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes

Sophie Prégent souligne le travail énorme accompli par Mme Roy pour la révision de la Loi sur le statut de l’artiste, mais malheureusement, « la loi n’encadre toujours pas les conditions de travail de l’ensemble des milieux, regrette-t-elle. Il y a encore des angles morts ».

« Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait une meilleure reddition de comptes aux entreprises subventionnées. Quand il y a de l’argent octroyé par le gouvernement, on devrait pouvoir retracer cet argent. Est-ce que les contrats des artistes ont été respectés ? Il y a des secteurs comme la danse ou la musique où il n’y a pas d’entente collective, mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’entendre sur des conditions de travail minimales. En règle avec les associations. »

Présenter une vision à long terme

David Laferrière espère que M. Lacombe sera à l’écoute des revendications du milieu afin qu’il puisse présenter une vision à long terme. « Une campagne de promotion ponctuelle pour encourager les gens à revenir dans nos salles ne suffira pas, il va falloir un financement plus soutenu », prévient-il.

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David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU, qui regroupe 350 salles de spectacles au Québec

Est-ce que le fait que le ministre vient de l’Outaouais est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour Montréal ? « On verra, répond prudemment Michel Sabourin. On va donner la chance au coureur. »

La directrice générale du Regroupement québécois de la danse (RQD), Nadine Medawar, espère elle aussi que le nouveau ministre ne perdra pas le « momentum » actuel. « On a eu de nombreuses rencontres avec l’équipe de Mme Roy pour la relance de la culture, donc on souhaite poursuivre dans ce sens », nous dit-elle.

Trouver du financement

Mme Medawar, qui est à la tête du RQD depuis un an, espère également que le ministre sera sensible aux revendications de la coalition La culture, le cœur du Québec, qui souhaite voir le budget de la culture passer de 1 % à 2 % du budget total de la province.

Elle se réjouit de l’aide reçue par les compagnies de danse par l’entremise du Conseil des arts et des lettres du Québec – 6,5 millions l’an dernier, ainsi qu’une aide de 1 million pour la promotion. « Les artistes du milieu de la danse sont parmi les moins rémunérés, donc on apprécie l’aide qu’on a reçue du gouvernement », note Mme Medawar.

Sur la question des salaires, Michel Sabourin estime que les travailleuses et les travailleurs du milieu culturel « acceptent souvent de travailler à salaire moindre, parce qu’ils sont passionnés ». « Mais en ce moment, il y a une véritable pénurie. Le milieu culturel est en train de perdre ses travailleurs. Moi, je suis à court de ressources. Il faut trouver des solutions, et du financement. »