Une enveloppe de 57,5 millions supplémentaires prévue au dernier budget provincial permettra de reconduire l’aide à la billetterie et à la production audiovisuelle, deux mesures jugées essentielles par le secteur culturel. Ces sommes visent à « consolider » le milieu, dit la ministre de la Culture et des Communications, qui présentera en avril le détail d’un plan pour « propulser » la création d’ici.

La relance du secteur culturel québécois sera soutenue par une injection de 258 millions sur cinq ans (incluant un crédit d’impôt sur les dons en culture), a annoncé Québec lors du dépôt du budget provincial, mardi. Sur cette somme, 57,5 millions seront consacrés à répondre aux « préoccupations immédiates » du milieu, selon la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, et prennent la forme d’une reconduction du soutien à la diffusion de spectacles et au maintien de la capacité de production audiovisuelle mis en place durant la pandémie.

« Il y a deux programmes extrêmement importants pour toute l’industrie, pour l’audiovisuel et les arts de la scène, je voulais les rassurer tout de suite : il y a 57,5 millions sur la table pour eux », expose la ministre Nathalie Roy en entrevue avec La Presse.

L’argent est là pour une [autre] année, jusqu’en mars 2023.

Nathalie Roy, ministre de la Culture et des Communications

En réponse à la demande de « prévisibilité » réclamée par l’industrie, Québec alloue 25 millions pour la poursuite du programme de maintien des capacités de production audiovisuelle, qui doit aider à amortir les coûts des mesures sanitaires sur les plateaux. Une somme de 32,5 millions est aussi accordée en aide à la diffusion de spectacles, que le milieu appelle l’aide à la billetterie, dont le fonctionnement sera modifié afin d’inciter les producteurs et les diffuseurs à présenter une offre diversifiée.

Les vagues d’annulations et de reports successives font en sorte qu’il y a un embouteillage. « Il y a plusieurs productions de spectacles de la relève, de spectacles émergents, qui ne prennent pas leur place parce que les diffuseurs vont préférer reprogrammer une valeur plus connue qui va remplir la salle à 100 % plutôt qu’un spectacle de la relève qui la remplit moins », dit Nathalie Roy. L’aide sera modulée de manière à encourager la présentation de spectacles de la relève et ceux considérés comme plus risqués.

Déception en audiovisuel

Hélène Messier, présidente-directrice générale de l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), se réjouit « partiellement » de la reconduction de l’aide « essentielle » visant à compenser l’augmentation des coûts de production liés aux mesures sanitaires. Elle regrette toutefois que le gouvernement n’aille pas plus loin.

« J’avoue une déception. On avait demandé au gouvernement de mettre en place des mesures plus pérennes pour favoriser l’audiovisuel », citant notamment un ajustement aux crédits d’impôt auxquels ont droit les producteurs, qui n’ont pas été revus, même si les coûts de main-d’œuvre et l’inflation nuisent aux budgets. « On sent quand même un appétit pour du contenu québécois, mais on a toujours cette contrainte sur le plan des budgets en langue française. »

Les 25 millions annoncés ne couvriront pas l’année entière, selon la PDG de l’AQPM, qui aurait souhaité un budget qui « dépasse la pandémie ».

Bon accueil en arts de la scène

« On peut dire que ce sont de très bonnes nouvelles, mais il reste encore des annonces qui s’en viennent et qui vont donner plus de détails sur la façon dont ces argents seront investis », analyse Nadine Medawar, directrice générale du Regroupement québécois de la danse (RQD), qui espère que les modalités correspondront aux besoins propres à la danse.

Michel Sabourin, président de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec (ASSIQ), accueille aussi favorablement la reconduction de l’aide à la billetterie. « Dans les grandes lignes, on voulait de la prévisibilité – on en a pour un an », constate-t-il. La somme de 32,5 millions allouée à cette seule mesure le rassure, même s’il ne connaît pas encore précisément les modifications apportées, dont les détails seront exposés par la Société de développement des entreprises culturelles et le Conseil des arts et des lettres du Québec.

Le président de l’ASSIQ se réjouit que les lieux qu’il représente soient reconnus.

La ministre promet que le réseau des salles privées et des petites salles alternatives sera soutenu. Ça, c’est un gros point.

Michel Sabourin, président de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec

Il s’inquiète néanmoins de la forme que prendra la reprise : avec l’offre abondante d’artistes internationaux, il se demande quelle place auront les artistes locaux. « La réponse est dans les mains du public », dit-il.

Nadine Medawar a bon espoir que d’autres « bonnes nouvelles » viendront lorsque la ministre de la Culture et des Communications dévoilera l’autre phase de son plan de relance destiné à faire « briller » et à « propulser » la culture québécoise. « On avait parlé de l’importance d’inciter le public à revenir en salle et, selon ce qu’on entend, même si ce n’est pas encore dit, on s’attend à ce que ça fasse partie des annonces plus détaillées [à venir] », dit la directrice générale du RQD.

Nathalie Roy promet pour avril des mesures « très porteuses » qui ne se limiteront pas à compenser les effets durables de la pandémie, mais qui pousseront les choses plus loin. « On arrête d’être en réaction, et là, on est dans l’action », annonce-t-elle.