La relance sera longue et difficile pour le secteur culturel québécois, croient plusieurs intervenants.

Les salles de spectacle et les cinémas pourront rouvrir à compter de lundi, mais à 50 % de leur capacité ou un maximum de 500 personnes. Le passeport vaccinal sera obligatoire.

Plusieurs estiment que le gouvernement a traité le secteur culture de façon injuste au cours de la pandémie en fermant rapidement les salles de concert ou les cinémas alors que rien de prouve qu’ils sont la source d’éclosions.

Selon le directeur général de Les Scènes de Musique Alternatives du Québec (SMAQ), Jon Weisz, le secteur culturel aura besoin de trois à cinq ans avant de reprendre de la vigueur financière, notamment en raison du changement de comportement des spectateurs.

« Le gouvernement a réagi de façon impulsive en décidant que les salles seraient les premières à fermer et les dernières à ouvrir. Il n’a présenté aucune donnée pour le justifier », déplore-t-il.

L’annonce de la réouverture des salles a suscité espoir et soulagement, mais les nouvelles règles compliquent la tâche des gestionnaires. Reprendre des activités sera une tâche particulièrement ardue pour certains endroits.

La présidente de l’Union des Artistes, Sophie Prégent, dit que certaines salles ne pourront pas présenter des pièces de théâtre ou des concerts parce que cela ne sera pas viable pour elle d’un point de vue financier, compte tenu des règles actuelles.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente de l’Union des Artistes, Sophie Prégent

Ce sont des salles, des institutions qui resteront fermées plus longtemps parce qu’elles ne peuvent pas fonctionner à 50 % de leur capacité ».

Sophie Prégent

La directrice artistique de l’Espace Go, Ginette Noiseux, mentionne également que certaines restrictions, notamment la distanciation physique, empêchent la production de certains genres de pièces.

Santé mentale

Les intervenants soulignent aussi que les fermetures et les réouvertures constantes ont provoqué une crise de santé mentale au sein du secteur culturel.

« [Le gouvernement] a joué au yo-yo depuis deux ans », se plaint Luc Fortin, le président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec.

Certains ont abandonné leur carrière, certains sont partis. Il y a eu des dépressions, des suicides même.

Luc Fortin, le président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec

Une étude menée par huit organisations en mars 2021 auprès de plus de 2000 travailleurs du secteur culturel a révélé que 43 % des répondants avaient signalé des symptômes de dépression. Près de 12 % avaient eu des pensées suicidaires. Après les nombreuses fermetures, M. Fortin ne croit pas que la situation se soit améliorée à ce chapitre.

Mme Noiseux dit que les fermetures précipitées ont envoyé un message selon lequel les salles de théâtre « sont les endroits les plus dangereux » alors qu’elles étaient très sûres. Les spectateurs portaient le couvre-visage et étaient assis à bonne distance les un des autres. « Cette décision a créé une grande incompréhension, une grande détresse. »

Mme Prégent opine dans le même sens. Elle a l’impression que le gouvernement a placé tout le secteur culturel sous le même bonnet du « divertissement » auquel il a associé les bars et les boîtes de nuit. Pourtant, la culture est plus fondamentale à la société. « On ne peut pas la placer dans le même panier que le karaoké ou les bars, des endroits qui sont moins contrôlés », lance-t-elle.

M. Weisz dit que les artistes ont besoin de l’interaction avec le public. Incapables d’exercer leur art, plusieurs ont « perdu un sens et un but à leur vie ». Un grand nombre de musiciens ont quitté la scène afin de trouver un emploi plus stable et n’y reviendront pas, ajoute-t-il.

Ces intervenants souhaitent que le gouvernement soit plus prévisible et qu’il présente un genre de calendrier d’un retour pour de bon à la normale.

Ils espèrent que le gouvernement trouvera des solutions de rechange aux fermetures si le nombre de cas de COVID-19 bondissait de nouveau.

« On ne pourra pas endurer une autre fermeture, affirme M. Fortin. Ce serait catastrophique. »