Ils sont virologues, professeurs, médecins. Mais depuis le début de la pandémie, ils sont aussi vulgarisateurs. Leur avis est plus sollicité que jamais dans les médias, alors que les enjeux et les défis se multiplient. Comment composent-ils avec cette visibilité publique ? La Presse s’est entretenue avec cinq d’entre eux pour faire le point, à l’aube d’une nouvelle année qui promet d’être encore très occupée.

DQuoc Nguyen : l’info, plus nécessaire que jamais

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Le Dr Quoc Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le Dr Quoc Nguyen a vu, comme d’autres, son activité publique bondir depuis le début de la crise. Très actif sur les réseaux sociaux, il dit trouver nécessaire de créer ce contact avec le public, alors que la pandémie soulève beaucoup de préoccupations.

« On fait face à quelque chose de tellement complexe. Les gens ont soif de comprendre et de savoir. Contribuer à informer dans ce contexte, c’est important. Par le passé, on n’a peut-être pas assez joué ce rôle-là. Même si c’est parfois compliqué, même si ça prend du temps, il faut le faire », explique-t-il.

Pour lui, la crise aura contribué à bâtir des ponts entre la communauté scientifique et le grand public. « S’il y a un moment où il fallait le faire, c’est maintenant. Les défis qui nous attendent en 2021-2022 ne sont pas près de s’arrêter. Les besoins seront encore là », illustre M. Nguyen.

Marie-France Raynault : une occasion, « un devoir »

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Marie-France Raynault, experte en médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Marie-France Raynault est experte en médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). Souvent appelée à donner son avis sur les enjeux de l’actualité, la spécialiste croit que la pandémie a transformé sa manière d’interagir avec le public.

« J’ai vu ça comme une grande occasion, un devoir. On a demandé aux gens des choses très difficiles. La moindre des choses, c’était de prendre le maximum de temps pour expliquer les raisons de ces demandes », explique-t-elle.

Malgré les nombreuses épreuves qui restent à surmonter, Mme Raynault envisage de meilleurs jours en 2021. « C’est encore très difficile dans les hôpitaux, mais on voit que la situation s’améliore à plusieurs égards. Au fur et à mesure de la vaccination, on aura de bonnes nouvelles à annoncer », lance-t-elle.

Benoît Barbeau : sortir de sa zone de confort

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Benoît Barbeau, virologue

Le virologue Benoît Barbeau est aussi devenu un vulgarisateur connu du grand public depuis le printemps. « Ç’a été un beau défi qui m’a vraiment permis de sortir de ma zone de confort. J’ai dû étendre mes connaissances, couvrir plus large, ce qui m’a énormément motivé en fin de compte », avoue-t-il.

Au départ, j’ai beaucoup hésité, mais je me suis dit qu’à un moment donné, si on veut que les gens aient accès à notre travail, à nos recherches, à nos connaissances, il faut s’impliquer un minimum.

Benoît Barbeau, virologue

Cette année, il se souhaite de continuer à informer encore davantage, tout en peaufinant ses méthodes. « J’apprends tous les jours. En tant que chercheurs, on est beaucoup alimentés par ce qu’on fait, par nos projets, mais c’est aussi important de se sortir parfois la tête de ce monde », croit le virologue.

Sophie Zhang : une voix nouvelle

PHOTO FOURNIE PAR SOPHIE ZHANG

La Dre Sophie Zhang, chef adjointe à l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud de Montréal

Avant l’arrivée de la pandémie, la médecin en CHSLD Sophie Zhang, aussi chef adjointe à l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud de Montréal, était beaucoup moins sollicitée pour donner son avis en public. Mais le printemps dernier, tout a changé.

« Ça s’est fait un peu malgré moi, en ce sens que je ne cherchais pas ce spotlight. Quand ça a frappé fort dans les CHSLD, on est venus vers moi. Et j’avais ce désir de partager notre expérience avec le reste du Québec, toujours dans un souci d’échange et de partage », explique-t-elle.

En novembre, Mme Zhang a cofondé la Communauté de pratique des médecins en CHSLD (CPMC) avec Élise Boulanger, médecin de famille. Leur objectif était simple : créer un lieu d’échanges entre les différents établissements et harmoniser les pratiques dans le milieu. « Tant qu’il y aura des gens qui souffrent, qui sont malades, qui décèdent et qui sont hospitalisés à cause de la COVID-19, je voudrai continuer à m’impliquer, pour faire ce qui est le mieux pour nos patients », résume-t-elle.

Roxane Borgès Da Silva : des sacrifices

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Roxane Borgès Da Silva, spécialiste en santé publique de l’Université de Montréal

Assurer une présence publique sur plusieurs plateformes entraîne des sacrifices importants. L’experte en santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva peut en témoigner. « J’ai été très animée par ce souci d’informer depuis le départ, mais ça vient avec le revers de la médaille : on se retrouve ensuite avec des menaces et des complotistes qui nous envoient beaucoup de bêtises. Ça peut devenir pénible », raconte-t-elle.

Malgré tout, l’expérience dans son ensemble a été très positive, soutient la spécialiste. « Ça a surtout permis de montrer aux gens que les chercheurs ne sont pas uniquement des gens dans des laboratoires qui jouent avec des rats. C’est nécessaire de faire parler de la santé publique, qui est un domaine très vaste, mais méconnu », ajoute Mme Da Silva.

« Cette année, j’ai encore le goût d’expliquer, de répondre, mais j’espère aussi que d’autres collègues vont se jeter dans la mêlée. On doit tous et toutes faire notre possible », conclut la professeure.

Lisez la chronique de Chantal Guy, « Quand la science prend le micro »